Tout comme moi, vous devez entendre parler de plus en plus de Product Ops. Simple coïncidence ? Non, le sujet est plus profond et il est parti pour durer encore quelques années. En effet, le Product Ops est le rôle qu’il manquait pour accompagner l’essor du Product Management en amenant plus de cadre aux organisations à l’échelle. Est-ce pertinent dans votre cadre ? Je vais vous donner les clés de la réflexion dans cet article.
🤔 Ma définition du Product Ops
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je vais vous partager ma définition du rôle de Product Ops car il n’existe pas une définition unique.
Certains affirment qu’il est le Product Manager (PM) de l’organisation Produit. L’analogie est forte et percutante. Comme un PM, il gère un backlog d’améliorations certes, mais je ne peux pas être complètement d’accord avec cette définition car il manque un élément important : le Product Ops va plus loin et opère lui-même les changements.
Pour en savoir plus : télécharger notre framework les 4P du Product Ops
Du coup, je préfère la définition de John Cutler : “Product Ops solves problems for product teams that single teams and individuals cannot solve”. Dans la langue de Molière : “Le Product Ops résout des problèmes qu’une équipe ou un individu ne peut résoudre”. Elle montre plusieurs éléments clés :
- Le Product Ops travaille sur l’organisation et pas sur une équipe ou un individu comme le fait par exemple un coach.
- Le Product Ops ne se limite pas à la recommandation d’un changement, il va aussi l’opérer et suivre dans le temps son évolution.
💪 Les 3 avantages d'avoir un Product Ops
Comme avec tout nouveau rôle dans le monde du digital, la tentation est grande de penser qu’il n’est fait que pour des contextes ultra matures de la Silicon Valley. Pourtant, force est de constater qu’on voit de plus en plus d’organisations avoir des Product Ops. Mais pourquoi en parle-t-on plus aujourd’hui ? J’identifie trois facteurs majeurs qui font que le Product Ops a le vent en poupe, résumés dans l’arbre de décision ci-dessous.
#1 : Le Product Ops apporte alignement et homogénéisation pour les organisations de taille importante
La taille de l’organisation est selon moi le critère le plus important pour savoir si le besoin d’avoir un Product Ops est pertinent ou non.
Si l’entreprise est encore de taille raisonnable (1 voire 2 niveaux de management), les besoins d’alignement peuvent être encore gérés par l’organisation actuelle.
En revanche, quand le nombre de personnes dans l’organisation est important, des besoins d’homogénéisation et de gouvernance se font ressentir, principalement sur les sujets suivants :
- Les processus et outils pour capitaliser sur les bonnes pratiques des uns, faciliter l’alignement et la synchronisation inter-équipes.
- Les fiches de poste et parcours de carrière.
- La mise en place de tableaux de bord facilitant les comparaisons inter-équipes et le pilotage de la stratégie (notamment les OKRs s’ils sont en place).
- La cohérence des roadmaps sur le fond (alignement avec la stratégie) et la forme pour simplifier la lecture par toutes les parties prenantes.
- la gestion des insights utilisateurs et du marché qui deviennent de plus en plus nombreux.
#2 : Le Product Ops facilite la croissance des équipes
Entre les organisations de taille raisonnable et celles de taille importante, il y a tout un nombre d’organisations pour lesquelles la question d’avoir un Product Ops peut légitimement se poser.
Pour celles-ci, l’un des éléments majeurs à prendre en compte est la croissance prévue de l’organisation, principalement sur les sujets suivants :
- La définition des fiches de poste pour s’assurer de recruter les bons profils, enjeu majeur.
- La structuration des parcours d’onboarding qui vont être de plus en plus nombreux.
- La convergence des processus et outils pour éviter d’avoir à faire ce travail avec plus de personnes alignées et un historique important.
Préparer le futur et accompagner la croissance, c’est la raison d’être que le Product Ops a dans ses organisations en forte croissance.
#3 : Le Product Ops amène vers plus de maturité Produit
Si on revient quelques années en arrière, les deux principales priorités de beaucoup d’organisations Produit françaises étaient :
- Gérer un delivery rapide et efficace aux niveaux des équipes.
- Traiter les dépendances de développement inter-équipes.
Dès lors, les coachs Agile et le Head of Product (ou tout autre rôle de management côté Produit) étaient suffisants pour adresser ces problématiques.
Désormais, la maturité moyenne a énormément évolué. À de rares exceptions près, l’Agilité n’est plus un sujet. Les PMs veulent des contextes dans lesquels ils peuvent s’épanouir et qui ressemblent à ceux que nous vendent Marty Cagan avec des “empowered teams” ou Teresa Torres avec son “Continuous Discovery”.
Les challenges du moment tournent autour de la capacité à impacter rapidement les utilisateurs et mesurer cet impact tirant des sous-sujets comme les OKRs, le discovery, la cohérence des roadmaps par rapport à une stratégie commune, le suivi des KPIs et la centralisation des insights.
Il n’est donc pas étonnant de voir Alexandre Serrurier, Lead Product Ops chez ManoMano déclarer récemment lors d’une interview pour Productinbox que “L'intégration de ce rôle [Product Ops] dans l’organisation permet de faire passer un cap de maturité à une équipe Produit pour deux raisons : d’une part le rôle va répondre mécaniquement à des problématiques et ensuite c’est un message fort - “nous voulons nous améliorer” - envoyé par le leadership”. Je ne peux qu’approuver ce message.
Ces trois enjeux expliquent pourquoi les Product Ops sont populaires dans des scale-ups comme Alma, ManoMano ou PayFit (croissance et taille importantes désormais), et aussi pourquoi on les voit apparaître dans des grands groupes tels que Décathlon ou Carrefour (taille importante et évolution de la maturité).
🤝 Sans Product Ops, la responsabilité devient l’affaire de tous... ou de personne !
Beaucoup d’organisations n’ont pas (encore) pris le virage du Product Ops.
Les bonnes raisons sont multiples :
- La taille et la croissance des équipes ne sont pas suffisantes (cas des startups).
- La volonté de limiter les intervenants dans l’organisation et de responsabiliser les personnes déjà présentes sur ces sujets.
- La maturité de l’organisation ne justifiant pas la présence de spécialistes du Produit.
Hélas, les mauvaises aussi :
- La non connaissance du rôle,
- La volonté de certains de garder leur périmètre.
Sans Product Ops, la charge de s’occuper des points de douleur systémiques est portée par d’autres dans l’organisation, au détriment de leurs autres responsabilités. Mais qui sont-ils ?
Le plus évident : Le Head of Product
Pourquoi le Head of Product - ou tout autre rôle de management qu’on pourrait trouver dans une organisation Produit - paraît être la personne la plus évidente pour prendre ces responsabilités ? Portant une vision inter-équipes, il s’impose comme un choix par défaut, notamment dans les startups et scale-ups. Il faut dire qu’il a plusieurs arguments à son avantage :
- Il est souvent le plus expérimenté
- Il a la responsabilité hiérarchique de faire évoluer les Product Managers
- Il a un fort intérêt à ce que le processus Produit soit fluide et efficace pour tirer le maximum de ses équipes et faire en sorte que ses managés se sentent bien.
Le Head of Product peut prendre la majorité des sujets d’un Product Ops, mais s’il faut prioriser, il ira plus naturellement s’emparer de ceux liés au management (fiches de poste et parcours de carrière) et à la stratégie (pilotage et roadmaps).
Il peut aussi être consulté sur des sujets plus opérationnels comme les process et outils, mais n’étant pas le premier impacté, il est plus pertinent que d’autres personnes s’en chargent.
Malheureusement, son temps est limité avec un focus important donné à la Product strategy et à l’alignement avec les autres départements de l’entreprise. Il ne peut, à lui seul, porter toutes les responsabilités d’un Product Ops. De plus, avec le temps et selon le nombre de personnes managées, cette situation n’est pas viable pour le faire correctement.
Attention aussi s’il existe plusieurs Head of Product à ce qu’il y ait un alignement entre les pratiques, outils et fiches de poste de toutes les équipes Produit.
Les plus charitables : Les Product Managers eux-mêmes
Les Product Managers sont les premiers impactés par des process défaillants et, face à cela, ils peuvent se sentir l’âme de sauveurs. Cette situation a aussi l’avantage de responsabiliser les PMs sur l’efficacité du Process Produit. Cet argument est la raison qui fait que Backmarket et Blablacar ont par exemple fait le choix conscient de ne pas avoir de Product Ops. C’est honorable, mais ça demande des équipes matures qui acceptent de traiter ces sujets pour le bien de toute l’organisation.
Par rapport au périmètre d’un Product Ops, les PMs vont principalement se concentrer sur ce qui les impactent le plus, et donc tout ce qui touche à l’opérationnel : les process, l’outillage et la gestion des dépendances.
Ce type d’organisation peut être vue comme une opportunité pour un PM d’évoluer vers un poste de Head of Product, puisqu’il va toucher à des problématiques inter-équipes et potentiellement certaines comme la stratégie ou l’aspect RH qui ne sont pas dans son périmètre actuel.
L’intention est louable mais il existe deux risques importants : le premier est la mise en place des solutions biaisées par l’unique prise en compte du besoin d’un PM ; L’autre est de ne voir personne s’emparer d’un sujet de manière globale et trouver une solution de contournement sur son périmètre.
Les plus proches : Les coachs
Un coach à la même mission qu’un Ops : améliorer l’organisation. Les approches, elles, sont différentes :
- Le Coach travaille sur les individus et les équipes, en provoquant le changement.
- L’Ops va travailler sur l’organisation, avec le soucis principal de la mise à l’échelle, en conduisant le changement (bien sûr après concertation)
La différence est subtile, je vous l’accorde et c’est donc très naturellement que beaucoup de Product Ops actuels sont d’anciens coachs. La posture change. La temporalité aussi : le Product Ops s’inscrit dans la durée alors que le coach arrive en général pour aider de manière temporaire à franchir une étape.
Mais quand on parle de coach en France, on pense principalement aux coachs Agile. Est-ce qu’un coach Agile peut être un bon Product Ops ? Concernant les soft skills en coaching et conduite du changement, oui sans hésitation. Concernant les hard skills en Produit, c’est possible mais pas une vérité absolue. Cela dépend principalement de leur appétence pour aller au-delà du delivery.
La pire solution : Personne !
Certes, ne pas avoir de Product Ops simplifie l’organisation avec une personne en moins, mais cette situation n’est envisageable qu’à deux conditions :
- La première condition est que cela rentre dans les responsabilités des fiches de postes et que du temps y soit alloué.
- La seconde est que les personnes se sentent motivées et capables d’adresser ces problématiques transverses.
Sans ces deux conditions réunies, vous risquez forts d’avoir une organisation qui continue à vivre avec ses problèmes et sans harmonisation des pratiques.
En résumé, l’ensemble des responsabilités d’un Product Ops peut être couvert par les rôles actuels de l’organisation, mais selon moi le jeu n’en vaut pas la chandelle et ce n’est qu’une solution par défaut. Oui les équipes vont être plus soucieuses des processus transverses. Mais la contrepartie à payer est trop forte avec une perte de focus des équipes et des personnes pas forcément formées à la conduite du changement.
🔮 Quel futur pour le Product Ops ?
Si comme moi vous êtes maintenant convaincu que le Product Ops a une réelle valeur ajoutée, il est temps d’envisager son futur avec une question centrale : “Est-ce que toutes les organisations Produit vont s’emparer du sujet ?”. Voici mes prédictions 2023, dignes de Madame Irma.
#1 : Les startups vont continuer à vivre telles quelles, sans Product Ops. Les alignements inter-équipes seront toujours gérables par les PMs et le Head of Product, avec potentiellement un coach Produit en renfort ponctuel.
#2 : Les scale-ups vont continuer à investir dans ces rôles pour accompagner leur croissance. Celles qui n’ont pas de Product Ops vont devenir aussi rares qu’un trèfle à quatre feuilles (mais ça ne portera pas bonheur pour autant…)
#3 : Les grands groupes vont être le nouveau terrain de jeu des Product Ops en voyant des pôles de Product Ops émerger intégrant, en plus de Product Ops, de manière partielle, certains autres profils sur des domaines spécifiques (RH, Finance et Tech). C’est ce que fait actuellement Decathlon avec son “Product Office”. Petit à petit, des pôles vont se substituer aux centres Agile pour accompagner les transformations Produit.
#4 : De plus en plus de PMs seniors vont se projeter dans des carrières de Product Ops pour accompagner ces besoins croissants.
#5 : Thiga va sortir un framework Product Ops pour aider à comprendre ce qu’est ce rôle, son périmètre d’action et ses compétences attendues 😉
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