Enrichir vs. Optimiser

  • mise à jour : 16 avril 2015
  • 4 minutes
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Enrichir vs. Optimiser

Une fois lancé sur le marché, votre produit devient en quelque sorte « exposé »
et vous voyez affluer sur votre bureau des demandes venant de toutes parts :

  • Les utilisateurs vont remonter des bugs.
  • Les utilisateurs vont suggérer des évolutions.
  • En interne, le CEO va demander à ce qu’on ajoute une petite fonctionnalité car

    il en a discuté avec un ami lors d’un dîner.

  • Si c’est un produit B2B, les commerciaux vont passer dans le bureau avec

    un ultimatum : « Si tu ne me fais pas cette fonctionnalité dans la prochaine
    release, je perds le deal et je ne fais pas mon quarter ».

En plus de ces demandes externes, votre métier de Product Manager vous amène à réfléchir en permanence à de nouvelles idées pour faire évoluer votre produit, que celles-ci proviennent d’une inspiration géniale ou d’une bonne pratique observée chez vos concurrents.

Vous devez alors prendre du recul vis-à-vis de ces différentes sources d’inspiration (parfois contradictoires) et vous forger une conviction quant à l’évolution de votre produit. En pratique, cet exercice peut s’avérer difficile !

Voici quelques conseils qui pourront vous aider à arbitrer entre l’envie de faire évoluer le produit avec de nouvelles fonctionnalités et la nécessité d’optimiser l’existant.

Ne vous faites pas dicter les évolutions de votre produit par vos utilisateurs

Depuis quelques années, nous entendons beaucoup parler de conception cen-
trée sur l’utilisateur. Sur le principe, c’est évidemment une très bonne chose !
Un produit doit être imaginé et réalisé dans le but de répondre à une probléma-
tique utilisateur. Cependant, il y a parfois une confusion entre une conception
centrée sur l’utilisateur et une conception guidée par l’utilisateur.

En effet, certains d’entre eux vont :

  • Réclamer une fonctionnalité à cor et à cri en signifiant (de bonne foi !) qu’ils seraient prêts à payer beaucoup plus cher pour cela – mais rien n’étaye le fait qu’ils le feraient.
  • Manifester un mécontentement vis-à-vis d’un problème ou d’une limitation rencontrée – alors qu’ils continuent d’utiliser le produit, voire de payer.
  • Et d’une manière générale, exprimer des désirs ou frustrations qui, de toute façon, n’ont pas forcément une pertinence avérée.

Surpondérer la voix des utilisateurs par rapport aux autres sources d’inspiration peut donc vous amener à faire des évolutions non pertinentes pour votre produit.

Dans son livre “Rework”, la société Basecamp (anciennement 37 Signals) ex-
plique comment elle évite cet écueil. Les dirigeants avouent clairement ne pas
prêter beaucoup d’attention aux feedbacks. Selon eux, le faire serait le meilleur
moyen de construire non plus un produit mais un empilement de fonctionnali-
tés. Le chapitre est d’ailleurs intitulé “say no by default”.

“Don’t believe that ‘customer is always right’ stuff. Let’s say you’re a chef. If
enough of your customers say your food is too salty or too hot, you change it. But
if a few persnickety patrons tell you to add bananas to your lasagna, you’re going
to turn them down, and that’s OK. Making a few vocal customers happy isn’t worth
it if it ruins the product for everyone else.”

Cette vision est un peu extrême mais Basecamp nous prouve tous les jours qu’elle peut être efficace. Ainsi, être “user centric” ne veut pas dire répondre à tous les desiderata des utilisateurs mais bien chercher en permanence à comprendre leurs problèmes. Les solutions qu’ils nous proposent ne sont que des insights dont vous devez tenir compte dans les arbitrages d’évolution de votre produit.

Validez l’impact des fonctionnalités existantes avant d’en ajouter de nouvelles

Lorsque vous lancez de nouvelles fonctionnalités, il est probable qu’elles ne ré-
pondent pas parfaitement aux besoins de vos utilisateurs (et ce, même si vous
avez pris la peine de tester soigneusement vos pistes de solution en amont).
Vous serez probablement amené à réaliser des ajustements en fonction des
retours clients. C’est pourquoi, nous vous conseillons de vérifier qualitative-
ment (via des entretiens) puis quantitativement (via l’analytics) la pertinence
de vos nouvelles fonctionnalités avant de chercher à en ajouter de nouvelles.

Il est vivement recommandé de mettre en place un plan de taggage sur chaque produit. C’est-à-dire implémenter des éléments de code qui permettent de suivre le comportement des utilisateurs sur une application ou un site web. Le taggage doit se faire avant le développement pour s’assurer que les données permettent bien d’évaluer la réalisation ou non des objectifs. Il est recommandé de mettre en place de la QA sur le plan de taggage et vérifier que les informations remontent bien. Une fois la fonctionnalité lancée vous devez valider que les objectifs ont bien été atteints.
Vous devez ancrer cette validation « post-lancement » de vos évolutions produit
dans vos processus de travail.

Pour cela, nous vous conseillons d’ajouter une colonne “impact achieved” à votre Kanban de flux d’activités :

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Les objectifs chiffrés avant tout

Le suivi des métriques d’usage, de business, de satisfaction client ou de stabilité de la performance sont des indicateurs clés pour enrichir son produit. À chaque étape de la vie du produit, il faut rester au fait des données relatives à son utilisation. Ces informations permettent de prendre des décisions éclairées par des faits et pas uniquement par de l’intuition.

Vous hésitez toujours entre enrichir et optimiser votre produit ? Laissez-vous
guider par vos KPIs ! Chacune de vos décisions doit permettre de les améliorer.

Au-delà des indicateurs business classiques (revenu, marge, etc.), le framework AARRR offre une bonne base de départ pour cadrer vos objectifs, autour de cinq enjeux mesurés chacun par une série de KPIs :

  • Acquisition : faire en sorte que les utilisateurs accèdent à votre produit.
  • Activation : s’assurer que vos clients utilisent vraiment le produit.
  • Rétention : réussir à retenir vos utilisateurs dans le temps.
  • Revenue : monétiser de votre produit.
  • Referral : pousser vos utilisateurs à recommander votre produit

Il suffit de retenir que toutes les décisions que vous prendrez, qu’il s’agisse d’introduire une nouvelle fonctionnalité ou d’optimiser un écran existant, doivent faire bouger le curseur significativement sur un de ces enjeux.

Nous vous conseillons également de mesurer régulièrement votre satisfaction client (par exemple, via le Net Promoter Score). Ceci vous amènera peut-être à modifier voire supprimer certaines fonctionnalités rejetées par une majorité d’utilisateurs. En effet, l’ajout massif de nouvelles fonctionnalités peut diluer votre proposition de valeur et générer de l’insatisfaction.

Bien que les objectifs d’une équipe soient liés à un périmètre précis, il ne faut pas oublier de suivre les métriques globales de l’entreprise car c’est avant tout l’entreprise qui doit voir son CA croître.

Pour aller plus loin

Chaque enrichissement de son produit est une occasion pour se questionner sur la responsabilité de ce dernier : vis-à-vis de l’utilisateur : est-il accessible pour tous, les données sont-elles traitées de manière responsable, vis-à-vis de l’environnement : comment limiter la consommation d’énergie, vis-à-vis de l’économie : engendre-t-il des déséquilibres économiques pour l’utilisateur ?

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