S’adapter ou s’éteindre : le futur des Product Designers

2025 sera l’année du Design stratégique. Conséquence directe : les Designers doivent sortir de leurs bulles en devenant des leviers de performance et d’innovation. IA générative, hyper-personnalisation, CX holistique… Les défis sont immenses, mais l’opportunité est claire : accentuer l’impact du design sur le business et repousser les frontières de la créativité. Dans cet article, Thomas Vidal, Partner chez Thiga et Head of Design en mission chez Accor, appelle à une transformation radicale : orchestrer, influencer et placer le design au cœur des décisions stratégiques pour façonner l’avenir des entreprises.

2025 marque un tournant pour le Design. Aujourd’hui, être Designer, c’est être au centre du réacteur : collaborer étroitement avec les équipes Produit, Business et Tech pour créer des solutions à la fois innovantes et alignées sur les objectifs économiques. Loin d’opposer créativité et pragmatisme, il s’agit d’allier ces deux forces pour répondre aux défis d’un marché en perpétuelle évolution. Parions que ceux qui n’embrassent pas cette transformation risquent de disparaître.

Aujourd’hui, les entreprises attendent des Designers qu’ils apportent une valeur mesurable, qu’ils influencent les choix stratégiques et qu’ils s’adaptent à des contraintes économiques croissantes tout en restant créatif. Rester dans une posture isolée, hors de la stratégie d’entreprise, c’est risquer de voir son rôle marginalisé ou même remplacé par des outils d’automatisation, comme l’IA générative. En revanche, se transformer, c’est rester pertinent et garantir sa place dans un monde en constante évolution.

Cette transformation impose des défis majeurs, avec plusieurs grandes thématiques au cœur de cette renaissance. 

Le Design stratégique : créer de l’impact et jouer un rôle central

En 2025, les Designers devront aller au-delà de la simple amélioration des expériences. L’objectif ? Être perçus comme de véritables partenaires stratégiques, capables d’influencer directement les décisions clés des entreprises. Cette évolution passe par une approche élargie, où le Design devient un levier incontournable.

L’intégration de la valeur business

Le Design doit s’intégrer pleinement aux dynamiques stratégiques de l’entreprise en collaborant étroitement avec les équipes Produit, Tech et Business. Cela passe par :

• L’alignement sur des OKR communs : définir des objectifs clairs et mesurables partagés avec toutes les parties prenantes, afin de garantir une contribution directe du Design aux priorités stratégiques.
  
  

• Une mesure d’impact régulière : démontrer comment les actions Design influencent les résultats, qu’il s’agisse de l’augmentation du chiffre d’affaires, de l’amélioration de la satisfaction client, ou encore de la réduction des coûts.
  
  

• Un partenariat renforcé avec les décideurs : intégrer le Design dans les discussions stratégiques dès les phases de réflexion pour que son impact soit anticipé et maximisé.

Des expériences sans couture pour se différencier

Dans un environnement où les entreprises gèrent un grand nombre de produits et de services, le défi n’est pas seulement de se démarquer, mais aussi de garantir une expérience homogène et cohérente pour les utilisateurs dans un marché saturé et exigeant.

 Le Design joue ici un rôle clé en tant que facteur d’unification :

• Créer une cohérence globale : s’assurer que chaque produit, chaque interaction, reflète les valeurs de la marque et offre une expérience fluide et intuitive, quel que soit le point de contact.
  
  

• Mettre en place des outils partagés : exploiter des Design Systems robustes pour standardiser les pratiques et accélérer la création d’expériences alignées à grande échelle.

Le design responsable comme création de valeur

Dans le digital, le Design responsable ne se limite pas à répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux. Il représente une opportunité de créer de la valeur durable pour les utilisateurs et pour les entreprises. Voici comment le Design peut jouer ce rôle clé :

• Concevoir des interfaces efficientes et éco-responsables : réduire l’empreinte carbone des produits numériques grâce à des Designs optimisés, des systèmes légers et une gestion raisonnée des ressources.
  
  

• Allier responsabilité et performance : prouver que des choix responsables – comme l’accessibilité ou l’éco-conception – peuvent également renforcer l’engagement utilisateur, la fidélisation et l’efficacité des parcours digitaux. Ainsi, le Design répond aux enjeux sociétaux tout en contribuant à la croissance et à la rentabilité des entreprises.

• Mesurer l’impact à tous les niveaux : intégrer des métriques concrètes pour démontrer comment le design responsable améliore à la fois les performances environnementales, l’expérience utilisateur et les résultats business.

En assumant pleinement ces rôles, le Design devient un acteur incontournable dans les transformations des entreprises. En 2025, les Designers devront non seulement imaginer et créer, mais aussi influencer, évoluer et mesurer. C’est à cette condition que le Design atteindra son plein potentiel.

L’IA générative : accélérer sans diluer la créativité

En 2025, l’intelligence artificielle générative continue de transformer profondément le rôle des Designers. Si elle offre des opportunités uniques pour automatiser certaines tâches et accélérer les processus, elle permet également de penser les expériences de demain en renforçant l'intégration des données et d'évaluer l'impact… L’enjeu est de tirer parti de ces capacités tout en préservant l’éthique, la dimension humaine et la créativité au cœur de notre discipline.

Collaborer avec l’IA pour gagner en efficacité et productivité

L’IA générative doit être perçue comme un partenaire de travail qui augmente les capacités des Designers tout au long du cycle de conception, de la phase de discovery jusqu’à la delivery. Voici quelques exemples :

• Prototypage automatisé : générer rapidement des wireframes, des maquettes ou même des interfaces fonctionnelles basées sur des inputs stratégiques.

  
  

• Tests utilisateur à grande échelle : simuler des comportements utilisateurs pour identifier les points de friction et affiner les solutions avant leur mise en production.

  
  

• Outils de productivité intégrés : intégrer l’IA dans les workflows pour optimiser les processus de design discovery, améliorer la collaboration, et accélérer la production de livrables alignés sur les objectifs. Ces outils permettront de réduire les tâches répétitives et chronophages, afin que les équipes Design puissent se concentrer sur les aspects stratégiques et créatifs de leur mission.

Cette collaboration va permettre aux équipes Design de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, comme la réflexion stratégique et la conception d’expériences mémorables.

Rester garants de l’éthique et de la créativité

Si l’IA peut accélérer le processus de Design, elle pose également des défis importants en termes d’éthique et de responsabilité :

• Éviter les biais algorithmiques : les Designers devront travailler en amont pour s’assurer que les solutions générées par l’IA ne reproduisent pas ou n’amplifient pas des biais existants.
  
  

• Garantir l’inclusivité : veiller à ce que les systèmes alimentés par l’IA soient accessibles à tous, quelle que soit leur origine, leur capacité ou leur langue.
  
  

• Préserver la vraie créativité : l’IA peut suggérer des solutions, mais c’est au Designer de leur donner un sens et de s’assurer qu’elles répondent aux objectifs stratégiques et émotionnels.

Intégrer l’IA dans les parcours utilisateurs et repenser les expériences

L’intégration de l’IA dans les parcours utilisateurs ne consiste pas seulement à ajouter des fonctionnalités, mais à repenser en profondeur notre manière de concevoir et d’interagir avec les systèmes. Les flows intelligents, alimentés par l’IA, ouvrent la voie à une personnalisation accrue et à des modèles d’interactions complètement réinventés :

• Personnaliser les expériences à grande échelle : utiliser l’IA pour adapter les parcours utilisateurs en temps réel, en fonction des préférences, du contexte et des données recueillies. Chaque utilisateur peut ainsi vivre une expérience unique, parfaitement alignée sur ses attentes.
  
  

• Repenser les modes d’interaction : dépasser les prompts traditionnels pour intégrer des assistants intelligents capables de comprendre les intentions, d’anticiper les besoins et de fournir des réponses ou des actions pertinentes de manière fluide et proactive.
  
  

• Faire évoluer la conception des systèmes : transformer les expériences en rendant l’IA omniprésente mais invisible, au service d’interactions naturelles et sans friction, où la technologie disparaît derrière une simplicité apparente.

En 2025, le Design digital ne se limite pas à suivre les évolutions de l’IA : il les anticipe et les pilote.

Cette approche propose une véritable évolution (voire même une révolution) des standards, où les utilisateurs interagissent avec des systèmes intuitifs, personnalisés et centrés sur leurs besoins réels. Si le prompt a marqué une étape importante, il n’incarne pas l’avenir à long terme : les systèmes doivent devenir autonomes, intuitifs et véritablement intégrés dans les expériences du quotidien. 

En 2025, le Design digital ne se limite pas à suivre les évolutions de l’IA : il les anticipe et les pilote, en plaçant toujours l’utilisateur au centre, pour un impact durable et significatif. Les Designers doivent abandonner les paradigmes actuels pour inventer des interactions plus humaines, plus fluides et plus pertinentes avec l’IA : le retour de la créativité en somme. 

L’hyper-personnalisation : la clé de la performance

Suite logique, l’hyper-personnalisation est l’application concrète de l’IA dans le Design digital : utiliser les données et les algorithmes pour créer des expériences entièrement adaptées aux besoins, attentes et contextes de chaque utilisateur. Cela représente une opportunité majeure pour les marques et un défi de taille pour les Designers sur plusieurs points : 

Des interfaces adaptatives

Créer des expériences hyper-personnalisées impose aux Designers de repenser complètement leur manière de concevoir. Cela nécessite une approche modulaire et flexible, où chaque élément d’un produit peut s’adapter à des besoins variés sans compromettre la cohérence globale (prévoir des templates pour différents cas de figure par exemple). Il faut donc revoir les processus de conception en y appliquant des logiques d’adaptation, qui permettent de garantir une expérience fluide et intuitive tout en prenant en compte des centaines de points de variation au sein d’un produit, et pas uniquement entre différents produits.

Le retour du détail

L’hyper-personnalisation marque également le retour en force de l’attention aux détails dans le Design. Les expériences personnalisées ne doivent pas seulement être adaptées : elles doivent être novatrices, engageantes et visuellement saisissantes. Cela implique de :

• Créer des micro-interactions de haut niveau qui suscitent l’émotion et rendent chaque interaction mémorable.
  
  

• Élever l’identité de marque : l’hyper-personnalisation renforce le lien entre l’utilisateur et la marque, mais cela ne peut se faire sans un Design System solide, garantissant la cohérence et l’excellence à chaque point de contact.
  
  

• Revisiter la créativité dans les détails : revenir à une approche où chaque pixel, chaque transition, chaque animation contribue à une expérience engageante, novatrice et inoubliable.

L’hyper-personnalisation impose donc aux Designers d’aller bien au-delà de l’adaptation fonctionnelle pour proposer des expériences nouvelles profondément immersives et connectées à l’essence même de la marque.

Une CX qui tient la route au-delà du digital 

Aujourd’hui, la Customer Experience (CX) reste un sujet complexe. Même au sein du digital, les entreprises peinent encore à offrir des expériences vraiment complètes, fluides et cohérentes, partagées par tous les acteurs impliqués. Ce constat devient d’autant plus évident lorsqu’il s’agit d’étendre ces expériences au-delà du digital. 

En 2025, les Designers sont invités à penser des expériences globales, mêlant digital et physique, pour :

• Intégrer des parcours omnicanaux : assurer une continuité entre les points de contact physiques (boutiques, hôtels) et numériques.

  
  

• Exploiter les technologies immersives : réalité augmentée, objets connectés et expériences multisensorielles deviendront des outils clés pour enrichir l’expérience client.

  
  

• Créer des moments mémorables : miser sur des expériences riches en émotions qui marquent les utilisateurs.

Si l’hyper-personnalisation permet de répondre aux attentes individuelles des utilisateurs, la CX holistique va plus loin en unifiant toutes les dimensions d’une expérience. Une vraie CX holistique exigera des Designers qu’ils collaborent étroitement avec les équipes Business, Tech et Marketing pour ancrer chaque interaction au sein d’une vision commune.

Vous l’aurez compris, 2025 est l’année où le design digital doit dépasser son statut de discipline créative : il doit devenir un moteur d’impact stratégique.  Cependant, cette transformation ne signifie pas abandonner ce qui fait l’essence du Design : la créativité, l’émotion et l’innovation. Elle consiste à développer, au contraire, ces qualités avec une approche rigoureuse, où chaque décision est éclairée par des données (et pas seulement) et alignée sur une stratégie claire.

Refuser cette évolution, c’est risquer de se marginaliser. Mais l’embrasser, c’est s’imposer comme un acteur central du changement, capable de transformer non seulement les produits, mais aussi les organisations. 

Celles et ceux qui sauront relever ces défis sortiront renforcés, prêts à guider leurs entreprises dans un monde en constante évolution, où le design n’est plus une fonction, mais une force indispensable à la résilience et à l’innovation.

Mais c’est aussi une opportunité unique : celle de devenir plus impactant, plus stratégique et de démontrer que le Design peut façonner non seulement des produits, mais aussi l’avenir des entreprises. En embrassant ce rôle élargi, les Designers s’imposent comme de véritables acteurs du changement.