Cet article est un extrait de notre dernier livre, le Product Academy Volume 3 dédié aux organisations Produit. Ce livre s'adresse à tout ceux qui souhaitent structurer leur organisation en vue de faire les meilleurs Produits numériques possibles.
« Je n’ai aucune idée de la stratégie de l’entreprise pour cette année », « Je comprends la stratégie globale, mais mes objectifs sont soit trop flous, soit complètement inatteignables » : combien de fois ai-je entendu ces phrases !
De tels dysfonctionnements sont une préoccupation importante pour un CPO, car ils conduisent très souvent à :
- Un manque d’implication des équipes, qui ne se sentent pas concernées par la construction de la stratégie de l’entreprise et la définition de leurs propres objectifs
- Un manque de sens donné aux actions de chacun, qui peut rendre le travail mécanique et répétitif
- Des problèmes de cohérence et de coordination entre les équipes, qui se traduisent par des Produits de moindre qualité et du gâchis de ressources
- Un défaut de valorisation du travail réalisé et des bonnes performances au sein de l’équipe qui pèsent sur le moral collectif
- Un produit incohérent car il est le résultat de décisions contradictoires
- Un produit qui n’aide pas l’entreprise (dans son ensemble) à atteindre ses objectifs (le Produit n’étant parfois qu’un levier parmi d’autres pour atteindre ces objectifs)
Voici donc une présentation de la méthode OKR qui fonctionne très bien pour les équipes Produit et que je mets en oeuvre chez Thiga.
OKR = Objectives 🎯 & Key Results 🏋
La méthode OKR a été conçue chez Intel, et mise en place par Google en 1999. Depuis, Google a systématisé cette approche, et bien d’autres entreprises ont suivi le mouvement.
Cette méthode est très simple et repose sur deux piliers :
- 1. Des Objectifs ambitieux et inspirationnels
- 2. Des Key Results (résultats clés) qui sont des indicateurs chiffrés et bornés dans le temps permettant d’apprécier l’atteinte d’un objectif donné.
Dans la méthode OKR, les Objectifs ne sont pas chiffrés et restent assez généraux.
Ce sont les Key Results qui seront chargés de matérialiser les conditions de succès de l’objectif. Ceci permet :
- De préciser l’objectif. “Lancer un MVP à succès” peut, par exemple, se décomposer en plusieurs dimensions et indicateurs : taux de rétention, niveau de satisfaction utilisateur, retombées presse ou média...)
- De fixer un niveau d’ambition chiffré pour chaque dimension.
Il ne faut pas multiplier le nombre de Key Results : 2 à 5 KR par objectif constitue une bonne fourchette, qui permet de ne pas se disperser sur trop d’indicateurs tout en évitant de laisser de côté des dimensions importantes (optimiser un taux de transformation sans prendre en compte la rétention par exemple).
🔭 Partir de la big picture
Les OKR existent à plusieurs niveaux : un niveau stratégique, et un niveau plus opérationnel déterminé par chaque équipe.
En repartant du “mission statement” (la raison d’être) de l’entreprise, le top management doit définir ce qui sera considéré comme un succès sur l’année à venir, c’est-à-dire les OKR stratégiques de l’organisation. Pour cela, une fois par an en général, le CEO convoque le comité de direction à une réunion pour fixer les objectifs communs de l’entreprise. Selon nous, cette réunion doit être préparée en amont par chaque membre du comité de direction séparément, en collaboration avec leur équipe, pour identifier les ambitions et critères de succès de chaque entité de l’organisation.
Cela peut donner ça :
L’équipe Produit décline ensuite ces objectifs stratégiques en objectifs Produit :
🗝️ Les Key Results, ou la clef du problème
Les KR sont définis par chaque équipe Produit, trimestriellement, en même temps que leurs objectifs ; ils sont discutés avec le management de la même façon. Nous vous suggérons de commencer par lister tous les KR qui vous semblent pertinents, mais sans les chiffrer, et de les prioriser les uns par rapport aux autres ; puis dans un second temps, de sélectionner les plus prioritaires et de définir pour chacun le niveau d’ambition chiffré associé. Il est possible de formuler les KR de la manière suivante : “réaliser X nouvelles inscriptions pendant la période”, “atteindre Y utilisateurs actifs par jour” en attendant que le chiffrage soit effectué.
Un indice de confiance doit être associé à chaque KR. En effet, un KR doit être considéré comme très ambitieux, donc difficile à atteindre, sans être impossible pour autant. L’indice de confiance traduit ce côté inspirationnel de l’OKR : un bon KR doit avoir un indice de confiance d’environ 50%, soit une chance sur deux d’atteindre l’objectif. Cela implique de tirer les équipes vers le haut, tout en assumant le risque que l’objectif ne soit pas atteint.
A la fin de la période fixée (en général, un trimestre), chaque équipe se réunit pour faire le bilan de la période et estimer le pourcentage d’atteinte des différents Key Results, selon les indicateurs fixés en amont.
Pour aller plus loin, découvrez comment Carrefour a déployé la méthode OKR
La plupart des logiques d’objectifs dans les entreprises considèrent la non atteinte des objectifs comme un échec. Ce n’est pas le cas dans la méthode OKR. L’intérêt des OKR n’est pas simplement d’atteindre les objectifs, mais aussi d’apporter de la transparence, d’aligner les équipes, de pousser les organisations et les individus à se dépasser, et d’apprendre ce qu’elles sont réellement capables de produire en un temps donné.
Dans cette optique, il est également préférable de décorréler l’atteinte des OKR d’un système de rémunération par primes ; si vraiment vous voulez lier OKR et rémunération, faites en sorte qu’une prime puisse être accordée à un collaborateur même si celui-ci n’a pas atteint 100% de ses OKR, pour autant que ceux-ci aient été ambitieux et que le travail effectué pour les atteindre ait été de qualité.
🏛️ Les initiatives : 3e pilier de la méthode OKR
Avec les Objectifs et les KR, les initiatives sont le troisième et dernier pilier de la méthode OKR : une initiative est une action planifiée ayant pour but de faire évoluer positivement un ou plusieurs KR. Il s’agit de la to-do de l’équipe. Tout comme les Objectifs et KR, les initiatives doivent être transparentes et suivies dans le temps, sous forme d’un kanban ou autre board visuel.
On arrive donc à cela :
Pour faire en sorte que les objectifs soient réellement un facteur d’organisation du travail au quotidien, et donner un rythme à l’équipe, nous préconisons de cadencer le travail de l’équipe Produit sur un rythme de type Scrum. Le Sprint planning inspiré de Scrum permet de déterminer le plan d’action pour les
15 prochains jours (par exemple) :
- Quelles sont les 3-4 initiatives que l’équipe compte accomplir au cours du sprint pour faire progresser un ou plusieurs KR ?
- Quels sont les projets qui arriveront au cours du mois et qu’il faut anticiper ?
Tout le monde ne pourra pas participer à tous ces événements ; organisez-les par équipe (si possible multi-disciplinaire), mais n’oubliez pas également de communiquer sur les résultats à travers l’organisation (management visuel, newsletter, points de synchro rapide, channel Slack dédié…). Vous pouvez vous inspirer de ce format de newsletter très simple pour partager la progression sur les OKR :
- Liste des objectifs et KR et rappel du niveau de confiance pour chacun (en mettant en avant ceux qui ont été revus à la hausse ou à la baisse)
- Rappel des initiatives effectuées la semaine ou les 15 jours précédents
- Proposition d’initiatives pour la période suivante par trimestre
🥜 In a nutshell : une méthode faussement simple
La méthode OKR paraît très simple, mais sa mise en pratique est assez exigeante.
Si vous souhaitez la piloter efficacement dans votre équipe Produit, gardez bien en tête les écueils suivants :
- Ne définissez pas les OKR de manière “top down” : laissez votre équipe définir ses propres objectifs, toujours en lien avec les objectifs stratégiques de l’organisation, et négociez avec elles si nécessaire.
- N’oubliez pas de communiquer largement sur les objectifs : chaque équipe doit avoir à tout instant une idée assez claire des objectifs de l’entreprise mais aussi de chaque équipe qui la compose. Mettez en place un outil simple pour que chacun puisse visualiser et suivre ses propres OKR et ceux des autres équipes.
- Ne multipliez pas les objectifs. Pour une première implémentation des OKR, nous conseillons de vous focaliser sur un ou deux objectifs, puis de monter en puissance au fil des trimestres.
- Variez les types de KR : ne vous focalisez pas sur un ou deux KPI clés mais réfléchissez bien à toutes les facettes du succès.
- Adoptez un niveau d’ambition conforme à la maturité et au goût du risque caractérisant votre équipe, afin d’éviter de la démoraliser : les OKR sont conçus pour être aspirationnels, mais pas pour autant impossibles.
- Évitez autant que possible de définir des objectifs ou Key Results comme des “outputs” : “continuer le projet”, “livrer la nouvelle version”. Les OKR sont plus efficaces lorsqu’ils manipulent des “outcomes”, qui mesurent la performance effective des équipes.
Pour aller plus loin :
- OKR Examples : Ce site donne de nombreux d’exemples d’OKR, classés par type d’activité. Très intéressant pour donner des exemples concrets à vos collaborateurs de ce à quoi pourraient ressembler leurs objectifs.
- bien sûr, notre livre Les organisations orientées Produit qui inclut un chapitre sur la méthode OKR !
- re:Work - Set Goals With OKR Cette documentation en ligne éditée par Google référence toutes leurs bonnes pratiques, que vous pourrez creuser par catégorie. Nous vous encourageons à aussi regarder la présentation complète de Google Ventures : How Google sets OKR.
- Outils pour mettre en place et suivre les OKR : Perdoo, Weekdone, 7Geese, Javelo...