En tant que Product Manager, vous avez probablement organisé des séances de créativité autour de problématiques relatives à votre produit. Les raisons sont diverses : identifier des fonctionnalités adressant les besoins de vos utilisateurs, construire un nouveau modèle économique, déterminer de nouveaux principes d’UX… Si vous êtes déçu(e) des résultats de vos brainstorms, c’est que vous n’avez peut-être pas respecté une des 4 règles suivantes :
1. Constituer l’équipe gagnante
Il ne suffit pas de réunir des personnes dans une salle (et de leur donner quelques paquets de post-its) pour que les bonnes idées fusent. Le casting des participants est probablement le facteur clé de succès numéro 1. Pour constituer l’équipe gagnante, vous devez :
- veiller à ce que la taille du groupe soit comprise entre 5 à 8 personnes. En effet, sous 5 participants, l’équipe est moins créative et au-dessus de 8, l’inertie s’installe et le groupe devient difficile à animer. Il est cependant possible de faire participer plus de 8 personnes en créant des sous-groupes (l'animateur passe alors d’un groupe à l’autre au cours de la séance)
- sélectionner des personnes ayant des backgrounds et des expertises variés (ex : customer success, service client, juridique, marketing, commerciaux, juridique, développeurs). Pour générer des bonnes idées relatives à un produit numérique, il est notamment utile d’impliquer
- des digital natives ayant une forte culture digitale. Ils apporteront de nouvelles idées en faisant des parallèles avec d’autres produits
- un “creative technologist” en charge de proposer des technologies permettant de transcender l’usage ou l’expérience du produit
- Mêler des profils psychologiques différents (Créatif, analytique…). Pour cela, vous pouvez vous appuyer sur des outils tel que le MBTI (plus de détails dans : Créer un lab d’innovation : les 5 clés du succès)
- éviter (si possible) d’inviter des participants ayant des liens hiérarchiques. Certaines personnes n’oseront pas s’exprimer librement devant leur chef de peur de dire une ânerie ou de le/la contredire
- ne pas convier à tout prix des clients / utilisateurs. Ces derniers sont généralement bons pour décrire leurs problèmes mais pas nécessairement pour trouver les meilleures solutions à leurs problèmes. Le risque est de se faire dicter la solution sans prendre du recul
2. Aligner les participants
En amont de l’atelier, communiquez sur l’objectif et l’agenda. Cela permet aux participants de se projeter sur le déroulé et de préparer des éléments en avance. Si vous faites participer des personnes peu familières avec les pratiques Produit, prenez le temps nécessaire pour leur expliquer les grands principes de la discovery. C’est aussi un bon moyen de démontrer la valeur de l’atelier en question afin de garantir leur participation constructive.
Avant de démarrer le brainstorm proprement dit, vous devez veiller à ce que tous les participants soient alignés sur :
- le contexte et les objectifs. Il peut être utile de les afficher sur un des murs de la salle de brainstorm pour s’y référer si besoin
- le déroulement de la séance et les règles à respecter
- la matière inspirante qui a été créée en amont. Ce point est, à mon sens, absolument essentiel. Réunir des personnes créatives autour d’une table ne suffit pas pour réussir une séance de créativité : il faut aussi (et surtout) de la connaissance. Pour améliorer l’efficacité de la séance, vous devez vulgariser et diffuser la matière à disposition aux différents participants. Une bonne pratique est de présenter en avance de phase les éléments clés des études réalisées aux participants et de les afficher sur un mur de la salle (ex : Personas, benchmark des produits concurrents, verbatims clients…).
Présentiel, visio ou les 2 ?
Le présentiel facilite le partage des points de vue et le développement de nouvelles idées (pendant l’atelier et lors des pauses). En revanche, il génère une perte de temps post-atelier pour retranscrire les résultats. Avec le distanciel, les introvertis peuvent se sentir plus à l’aise et les extravertis être plus inclusifs. Mais il génère des frictions dues à des problèmes de connexion ou d’accès aux outils. Dans tous les cas, nous recommandons d’éviter les formats mixtes - où une partie des participants est en présentiel et l’autre à distance - pour assurer le bon déroulement de l’atelier.
3. Faire appel à un animateur expérimenté
Le rôle de l’animateur est fondamental. Un brainstorm mal animé va déboucher sur des idées de piètre valeur et générer de la frustration.
L’animateur fera respecter les règles essentielles du brainstorm. Il s’agit notamment de
- bannir les “oui mais”. Il faut éviter les critiques (ainsi que l'autocritique) à l’annonce de l’idée, les critiques auront de toute façon lieu lors de la séance de tri des idées
- laisser les participants rebondir sur les idées des autres (éviter de donner trop d’importance aux premières idées). 3 rebonds sur une idée farfelue aboutira peut-être à l’idée du siècle !
- ne pas écarter les idées paraissant à première vue irréalisables. Vous devrez, dans un premier temps, vous concentrer sur l’atteinte de vos objectifs et la satisfaction de vos personas sans vous soucier des contraintes budgétaires et SI
- favoriser, dans un premier temps, la quantité d’idées à leur qualité (le débit idéal dépend des sujets mais on peut considérer que 100 idées par heure est une bonne performance)
L’animateur veillera également à équilibrer le temps de parole des participants (et ainsi éviter que seuls les chefs et les extravertis s’expriment). Pour ce faire, il pourra demander à chaque participant de noter leurs idées sur des post-its pendant 10-15 min et de les présenter oralement aux autres. L’animateur devra ensuite choisir une technique d’animation pour rebondir sur les idées à plus fort potentiel (c’est à cette étape que le talent de l’animateur est déterminant, il devra faire preuve d’une grande intelligence situationnelle).
Enfin, l’animateur joue un rôle absolument essentiel en fin d'atelier pour prendre du recul. Il regroupera les idées par famille, éliminera les idées hors sujet, réunira les idées similaires formulées différemment...
Dernier point, mais non des moindres, je déconseille aux PM de jouer le rôle d’animateur pour 2 raisons :
- il est difficile d’animer tout en participant au fond (ça serait dommage de se priver de la contribution de l’expert du Produit !)
- le PM serait juge et partie et pourrait être tenté de favoriser systématiquement ses propres idées
Si vous n’avez pas de collègue rompu à l’exercice, il faudra faire appel à un consultant en créativité.
4. Créer une ambiance propice à la créativité
Vous devez créer une ambiance chaleureuse et un climat de confiance pour libérer le potentiel créatif de tous les participants. Pour cela, je vous conseille de :
- Sortir de vos locaux habituels (vous pouvez, par exemple, louer une salle de créativité dans un incubateur de startups ou un espace de co-working)
- Décorer la salle avec des objets et des posters en lien avec la problématique traitée (tels que vos personas, vos benchmarks d’interfaces de produits de référence, les règles du brainstorm, des citations d’influenceurs connus en Product Management…)
- Démarrer par un “ice breaker” afin d’initier les interactions entre les participants (et en particulier si les participants se connaissent peu). Vous pouvez, par exemple, demander aux participants de dessiner un modèle économique avec une vache ou jouer au bâton d'hélium. Cet ice breaker consiste à demander aux participants de poser collectivement un tube léger (un brown paper roulé par exemple) sur le sol en gardant leurs 2 index en contact avec le tube (la synchronisation des participants n’est pas immédiate et le tube aura tendance à monter, faites-le, vous verrez :-))
- Faire appel à des “sketchers” en charge de dessiner vos idées en temps réel
- Interdire les ordinateurs portables, les téléphones portables et les montres connectées (difficile de générer des idées “out of the box” le nez dans ses mails)
- Proposer des gâteaux, des fruits, des bonbons et des boissons
5. Retenir les solutions à tester
Les ateliers vous permettent donc d’identifier plusieurs pistes de solutions et de commencer à les prioriser avec les participants. Encore faut-il que ces solutions aient un impact sur les objectifs à atteindre (viable), techniquement réalisables (faisable), apportant de la valeur à l’utilisateur (utilisable) et n’introduisant pas d’usage négatif (responsable). N’oubliez pas de prendre en compte vos contraintes, qu’elles soient RGPD, éthiques, technologiques, légales ou financières.
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