Les plateformes App Store et Google Play proposent plus de 4 millions d’applications à elles deux. Face à cette saturation, développer une app est-il vraiment un investissement judicieux quand on est un acteur de l’e-commerce ? Si la personnalisation et la fidélisation sont des atouts, la complexité et les ressources nécessaires pour son développement invitent à une réflexion stratégique.
Aujourd’hui tout le monde ne jure que par les applications, et ça vaut pour tous les secteurs. Quelle entreprise ne craint pas d’être dépassée si elle n’a pas sa propre app, notamment dans l’e-commerce quand on sait que plus de 50% des achats se font via mobile ?
🫶 Les promesses des applications mobiles
Les applications se distinguent principalement par une expérience utilisateur plus fluide et intuitive, souvent bien supérieure au web responsive. Elles permettent ainsi une exploration plus rapide et approfondie du catalogue et facilitent l’ajout de produits au panier. Résultat : les utilisateurs consultent 4 fois plus de pages produits par session et le taux de conversion est 3 fois plus élevé que sur le web.
Une autre raison qui encourage de nombreux e-commerçants à se lancer ? La fidélisation client ! Ce canal favorise des programmes de fidélité sur mesure, un support client interactif et des notifications push qui stimulent l’engagement et les achats impulsifs. Comme le résume Céline Net, consultante Thiga et Product Owner chez Sephora : "Les notifications push permettent une expérience plus communautaire, moins intrusive que les emails."
Mais alors, si l'app permet tant de choses, pourquoi n'est-elle pas forcément LA solution dans une stratégie e-commerce ?
🕵️♀️ Les défis cachés des applications mobiles
Si les promesses des applications mobiles pour l'e-commerce sont séduisantes, il est crucial de ne pas sous-estimer les défis cachés qui accompagnent leur développement et leur utilisation.
Le premier obstacle majeur est le coût réel d’une app, incluant son développement et sa maintenance. Les coûts initiaux varient de 10 000 à 500 000 euros selon la complexité des fonctionnalités : catalogue produit, gestion du compte client, intégration des paiements et personnalisation. À cela s’ajoutent des frais récurrents liés à la maintenance pour corriger les bugs et faire évoluer son application sur iOS et Android. "Il n’y a pas de coûts cachés majeurs liés à l’infrastructure des applications, précise tout de même Martin Le Guillou, CTO du magasin bio en ligne La Fourche. Mais l’app engendre de la complexité et des problèmes de compétences qui ne sont pas les mêmes que pour faire un site web."
Ces investissements s’ajoutent ainsi à ceux du site web, qui ne doit pas être négligé au profit de l’app mobile. Dans une stratégie d'acquisition e-commerce complète, les deux canaux sont complémentaires et essentiels. Abdessamad Benhalima, Directeur de la Tribe Data & IA de Thiga, le confirme : "il ne faut pas oublier que le web reste le canal principal lors du premier achat et le pilier des stratégies SEO [référencement naturel] et SEA [référencement payant]." Martin Le Guillou, de La Fourche, ajoute : "Nous avons démarré par le web avant de nous lancer dans une app. Et même si le web n'est pas un passage obligatoire pour tout le monde, c'est quand même une vitrine. Pour beaucoup, la recherche de produits commence ici plutôt que sur l’app."
Identifier le persona pour lequel on développe une app est primordial, car ce sont les clients les plus fidèles qui l’utiliseront.
Se démarquer dans un marché saturé est un défi, surtout avec un taux de rétention de seulement 5 % après 30 jours. Ce faible engagement souligne l’importance d’une stratégie de fidélisation, adaptée et centrée sur une réelle valeur ajoutée pour l’utilisateur.
Cette stratégie de fidélisation est d’autant plus cruciale que le suivi de la performance est souvent plus compliqué sur une app que sur le web. Martin Le Guillou précise : “contrairement au web, où des outils comme Core Web Vitals offrent des références claires, il existe peu d’outils aussi avancés pour le monitoring des apps.” Sans oublier les contraintes liées aux mises à jour qui représentent un autre défi majeur. "Sur une app, on ne contrôle pas quand les utilisateurs installent les mises à jour. Cela peut poser des problèmes techniques importants, notamment avec des versions obsolètes encore utilisées par certains clients.” conclue-t-il.
Face à ces défis importants, une analyse approfondie des besoins et des objectifs s’impose donc avant d’investir dans le développement d’une app mobile.
Pour aller plus loin, découvrez notre article la ruée vers l’IA des e-commerçants
🤔 Les questions à se poser avant de lancer une application mobile
Avant de se lancer dans le développement d’une application native, chaque e-commerçant doit se poser des questions clés pour évaluer la réelle valeur ajoutée de cet investissement.
Et ça commence par identifier les utilisateurs cibles : des clients fidèles qui bénéficieraient d’une expérience sur mesure, ou des visiteurs occasionnels pour lesquels l’app aurait peu de valeur ajoutée. Céline Net, consultante Thiga et Product Owner chez Sephora, rappelle qu'“identifier le persona pour lequel on développe une app est primordial, car ce sont les clients les plus fidèles qui l’utiliseront.”
La fréquence d’usage attendue est clé : une app est adaptée aux achats fréquents, comme sur les marketplaces, mais pour des produits de faible récurrence, comme le luxe ou les articles saisonniers, un site mobile optimisé peut suffire. “Nos clients chez La Fourche font des commandes tous les mois, donc une app fait sens, précise Martin Le Guillou. Mais nous avons tous des apps qu'on a téléchargées une fois dans notre téléphone et qui ne nous servent à rien parce qu'il y a zéro motif de récurrence.”
Même pour des achats fréquents, une app native n’est pas toujours optimale. AliExpress a amélioré ses conversions sur iOS (+82 %) en remplaçant son app native par une Progressive Web App (PWA), offrant des performances supérieures, notamment en zones de faible connectivité. George.com a également adopté cette approche, avec une hausse de 31 % de son taux de conversion mobile..
Vous l’aurez compris, lancer une application mobile ne doit pas être une décision impulsive. "Une app, c’est beaucoup de travail pour rien si elle ne répond pas à un besoin clair", insiste Martin Le Guillou. L'expérience mobile doit être engageante et dépasser le cadre de l'application, notamment face aux usages en constante évolution. L'émergence de la génération Alpha et le questionnement de Céline Net, Product Owner chez Sephora - "l'application mobile restera-t-elle le canal d'achat privilégié ?" - renforcent ce constat. Alors que certaines marques adoptent des stratégies "app first", l'e-commerçant avisé privilégiera une expérience mobile cohérente et durable, adaptée à chaque audience, quel que soit son canal de prédilection.