De nombreux produits ne trouvant pas leur marché finissent par disparaître. Les causes de l’échec sont évidemment variées mais une raison revient souvent : le produit ne résout aucun problème !
Pour éviter cet écueil et mettre toutes les chances de votre côté, nous vous conseillons de remettre en cause tout ce qui peut vous sembler évident de prime abord. Pour cela, explicitez les principaux problèmes que vous souhaitez résoudre et considérez les comme de simples hypothèses.
Avant de challenger vos hypothèses, ayez en tête que la première version de votre produit (aussi appelée MVP - Minimum Viable Product) devra répondre aux principaux problèmes d’une cible de niche (qui seront les probables early adopters du produit). Une fois le succès avéré pour ce produit de niche, il s’agira d’adapter votre produit pour aller conquérir une cible plus large (correspondant à la « early majority » du diagramme de Geoffroy A. Moore).
Même Facebook, qui adresse aujourd’hui le grand public, a commencé par cibler les étudiants de Harvard, avant de s’élargir à d’autres universités américaines puis aux lycées, etc. en adaptant son produit à chaque occasion. C’est l’état d’esprit « Think big. Start small. » (par opposition à la philosophie « Get Big Fast » du début des années 2000 consistant à lancer rapidement un produit industrialisé sans en avoir validé, au préalable, correctement l’appétence qu’en auraient les clients).
Pour réaliser un “crash test” de vos hypothèses en un temps restreint, vous pouvez commencer par recueillir l’avis d’experts du marché auquel vous vous attaquez et de Product Managers adressant la même cible que vous. Vous en tirerez des enseignements précieux qui vous amèneront à reformuler vos problèmes. Une fois les hypothèses affinées (ou complètement revues), il est maintenant temps d’aller parler à ceux qui seront peut-être vos futurs clients.
Dans certaines organisations, confronter ses idées sur le terrain avant de se pencher sur la solution est complexe : les commerciaux bloquent l’accès aux clients, le département communication ne veut pas abîmer la marque avec des discussions « non maîtrisées », les investisseurs souhaitent sortir le produit rapidement pour maximiser leur ROI, les développeurs veulent commencer à coder, etc. Le Product Manager devra donc faire preuve de doigté pour contourner ces obstacles et être force de proposition auprès de sa hiérarchie pour rendre les processus de création de produits plus « user centric ».
Toutes les techniques décrites dans la suite de cette règle vont permettre au Product Manager de remplir les cases Problèmes, Early adopters, Promesse client et Solution du Lean Canvas.
Les early adopters, qui sont-ils ?
Un pré-requis pour tester ses hypothèses est de constituer un panel d’early adopters avec lesquels vous pourrez interagir tout au long du processus de création de votre produit et après le lancement. Si la promesse du produit est suffisamment forte, les early adopters vous aideront à définir la solution adéquate et évangéliser le marché.
S'appuyer sur les personas
Pour bien cerner vos early adopters réels, nous vous recommandons de les personnifier à l’aide de personas (utilisateurs type fictif). On s’intéressera particulièrement aux objectifs, motivations et frustrations de ces personas. De manière générale, référez-vous à ces personas, qui seront amenés à évoluer au fil des retours terrain, à chaque itération sur la vision de votre produit.
Constituer un panel
Pour démarrer la constitution du panel, le moyen le plus efficace consiste à identifier les early adopters potentiels dans votre entourage. Par recommandation, vous atteindrez facilement les N+2 voire N+3 de votre réseau. Pour compléter le panel, allez chercher les early adopters là où ils se réunissent : sur internet (réseaux sociaux, forums spécialisés, etc.) ou physiquement (les salons professionnels dans les cas des produits B2B, etc.). Enfin, un autre moyen extrêmement efficace - mais payant - est le recours à un panéliste (société spécialisée dans le recrutement de prospects) de type Ipsos, TNS Sofres, etc. Comptez quelques centaines d’euros par contact si votre cible est difficile à atteindre.
Une fois le panel constitué, il faut chercher à valider ou invalider les hypothèses par une série d’interviews orientées problème. Nous vous conseillons fortement ne pas externaliser cette étape. Nous avons, en effet, constaté que les Product Managers collectant et analysant eux-mêmes les retours clients identifient des solutions bien plus pertinentes.
Les early adopters : leurs problèmes, vos solutions
La Discovery est un vrai travail d’équipe. Pensez à travailler de pair avec les Product Designers et/ou User Researchers de votre équipe. Peu importe qui est le plus impliqué dans la Discovery, l’important étant que ces activités de Discovery soient bien réalisées et leurs résultats partagés avec le reste de l’équipe. N’hésitez pas non plus à solliciter d’autres collaborateurs (Technique, Product Marketing…) qui pourront vous aider à prendre les bonnes décisions.
Problem Discovery : identifier les bons problèmes à adresser
Mener des interviews utilisateur
Pour démarrer, privilégiez les interviews 1:1. Si vous êtes néophyte en conduite d’entretien, vous pouvez construire et suivre un script d’interview adapté à votre produit (comme celui proposé par Ash Maurya dans Running Lean). Le script vous permet de confronter votre vision des problèmes avec celle des interviewés et d’identifier les solutions existantes qu’ils utilisent (le cas échéant). Surtout ne cherchez pas à vendre votre produit, vous êtes là pour apprendre !
Pour aller plus loin, de nombreux outils issus du monde du design, tels que les observations in situ des solutions existantes, vous aideront à d’identifier les comportements et usages réels de vos utilisateurs.
Compléter avec l’observation, l’immersion et le quantitatif
Passez chaque problème en revue et cherchez à évaluer son importance aux yeux du prospect. Attention, ne vous satisfaitespas du déclaratif, tentez de déceler la vérité. Par exemple, si un interviewé vous dit qu’il rencontre régulièrement un grave problème mais qu’il ne cherche pas activement une solution, c’est qu’il vous ment, inconsciemment ou pas, pour vous faire plaisir. De manière générale, vous savez que vous vous attaquez à de vrais problèmes quand un nombre significatif d’interviewés (environ 10-20) cherchent activement une solution ou, encore mieux, ont bricolé une solution et payent pour celle-ci.
Afin de vérifier la véracité d’un problème, vous pouvez également observer les comportements et l’usage actuel de votre produit sur vos outils Analytics, suivre des sessions video enregistrées de vos utilisateurs, vous prêter au jeu de tester ou faire tester en situation le parcours ou la fonctionnalité qui pose problème ou encore envoyer un sondage à une cible plus large pour récolter des données quantitatives.
Solution Discovery : imaginer les bonnes solutions à concevoir
Imaginez les solutions
Une fois que vous êtes sûr que vous adressez des problèmes qui valent la peine d’être résolus, c’est à vous de définir des pistes de solution. En effet, les personnes sont globalement douées pour décrire leurs problèmes mais beaucoup moins pour imaginer les solutions correspondantes.
Selon nous, le meilleur moyen d’identifier des solutions pertinentes est d’appliquer les grands principes du Design Thinking :
- Réunissez une équipe pluridisciplinaire (incluant notamment un technologue, en charge de proposer des technologies permettant de transcender l’usage et l’expérience des solutions imaginées).
- Divergez intellectuellement en vous basant sur toute la matière inspirante à votre disposition (comprenant, bien entendu, les comptes-rendus des entretiens individuels).
- Convergez vers quelques pistes de solutions. Selon le contexte, les critères de la grille de convergence peuvent varier sensiblement : appétence client, cohérence avec la stratégie et l’univers de marque, faisabilité technique (estimée grossièrement en taille de T-shirt par exemple), monétisation espérée, capacité à breveter, barrières à l’entrée, etc.
Prototypez
Les pistes de solution que vous avez déterminées doivent par la suite être prototypées (idéalement à moindre coût c’est-à-dire avec un minimum de code). Les possibilités qui s’offrent à vous pour prototyper sont nombreuses : pièce de théâtre, storyboard (bande dessinée), vidéo décrivant un cas d’usage majeur de votre produit, maquettes (réalisées avec des logiciels de type Axure, Balsamiq ou PowerPoint). Dans tous les cas, nous vous recommandons de ne pas externaliser intégralement sa réalisation car il vous sera difficile de le modifier rapidement et au fur à mesure de vos tests.
...et validez vos hypothèses
Armé de vos prototypes, recontactez les personnes que vous avez interviewées et testez vos solutions. L’objectif est de voir si les solutions imaginées répondent bien aux problèmes identifiés et, idéalement, de transformer ces interviewés en clients. Lors des interviews, demandez ce qui semble indispensable, superflu ou manquant. Pour vous assurer que la personne en face de vous est vraiment attirée par la solution (et ne vous dit pas que vos prototypes sont fantastiques uniquement par politesse), cherchez à obtenir un engagement concret. La précommande de votre produit (comme sur les sites de crowdfunding type Kickstarter) est évidemment la meilleure forme d’engagement mais il en existe beaucoup d’autres (accès aux données personnelles, au carnet de contacts…). En somme, tout ce qui a de la valeur pour vous et surtout pour vos prospects.
Pour en savoir plus sur le Product Management : télécharger notre livre Les Clés du Product Management