Produit vs Marketing : le Marketing va-t-il mourir ?

  • mise à jour : 24 octobre 2019
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Ce n’est pas un secret : dans les business technologiques, le Produit prend de plus en plus de place. On a remplacé les études de marché par des tests d’engagement, les concepts d’agence par des process de MVPs, les segments par des personas, les slogans par des propositions de valeur, les focus groups par des interviews, les plans sur un an par des itérations rapides. Aujourd’hui, les organisations veulent toutes être “orientées produit”, et l’innovation est aux mains des Product Managers.

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Malgré tous ces changements, peu de gens posent cette question à haute voix, comme si elle était tabou : quelle place reste-t-il au marketing ? Va-t-il mourir ?

Quand son lourd héritage entraîne le marketing vers le fond

Madmen

La fonction de “chef de produit” est pourtant issue directement du marketing. Mais ne vous avisez pas de dire à un Product Manager en France, qu’il est chef de produit. Comme si être “chef de produit marketing” était sale. Cachez ce marketing que je ne saurais voir !

D’où vient ce désamour (apparent) du marketing dans le monde technologique ? Peut-être… du marketing lui-même. Souvent associé au monde de la publicité, le marketing est caricaturé comme mensonger, volontiers manipulateur, cherchant à vendre des biens ou des services dont les gens n’ont pas besoin. Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un déclarer, face à une promesse intenable : “c’est du marketing” ?

Et que dire du marketing opérationnel ? Aux commandes des publicités, du direct mailing, des pushs notifications, il cherche à tout prix à soutirer l’attention des utilisateurs, oubliant facilement qu’un message sur lequel clique 1% des utilisateurs signifie… que l'on a dérangé 99 % de sa base pour rien. En somme, on voit le marketing, à raison, comme le principal pollueur de notre univers digital. 

Le Growth, bouée de sauvetage crevée du marketing

bouée

Certes, il y a eu des tentatives par le marketing pour survivre à tout prix. Quand Sean Ellis a fait émerger le “Growth marketing”, certains marketeurs s’en sont saisi… à tort.

Car on a bien mal nommé le Growth marketing ! Soyons francs : combien connaissez-vous de marketeurs compétents pour gérer une équipe technique qui expérimenterait à haute fréquence ? Le funnel AARRR lui-même ne laissait qu’une part congrue au marketing, uniquement acteur de l’acquisition… ou plutôt, du lead, sans garantie d’acquisition réelle, et donc encore moins de garantie de croissance (car il n’y a pas de croissance sans rétention).

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que le Growth n’est rien d’autre que… du Produit, au point de l’appeler aux États-unis : “Product-led Growth”.

Ainsi le Marketing a été largement évincé. S’il avait déjà perdu l’un des 4 “P” de son Marketing Mix (le Produit), les trois autres lui échappent de plus en plus :

  • L’ubiquité du Produit digital, disponible soit sur le site de l’entreprise, soit sur des boutiques d’application présentes nativement dans les smartphones, rend la notion de “Place” obsolète.
  • Le Prix perd parfois son sens, lorsque les revenus sont ponctionnés, non sur l’acteur B2B mais sur l’utilisateur B2C : espaces de publicité, référencement, données, frais d’intermédiation (e-commerce)...
  • La meilleure Promotion se révèle être une expérience utilisateur de qualité, le design se substituant alors au marketing, et la viralité inhérente au Produit surpassant toutes les campagnes de publicité du monde.

Alors RIP le Marketing ? Non !

Sans le marketing, la croissance rame

rames

Aussi bon soit le produit, aussi inhérente soit la viralité, une croissance durable ne peut se faire sans marketing. Qu’il s’agisse d’outbound (aller chercher les utilisateurs où ils se trouvent) ou d’inbound (les attirer, essentiellement avec du contenu de qualité), c’est le marketing qui assure un bon product / channel fit : exposer la bonne promesse au bon public, de la bonne façon, au bon moment, sur le bon medium.

Or -et je me répète volontiers- il n’y a pas de croissance sans rétention. Faire une promesse de valeur signifie être capable de la tenir; et c’est le rôle du produit. L’acquisition n’est donc plus le domaine réservé du marketing, mais nécessite une alliance avec le produit.

Car les pages d’acquisition (homepage comme landing pages) sont la première pierre de l’expérience utilisateur. A ce titre, elles méritent d’être traitées avec le même soin et la même recherche d’amélioration que le reste du produit, avec une équipe produit dédiée (avec des marketeurs à l'intérieur) et des fonctionnalités propres.

Le Product Marketing, le propulseur du Produit B2B

moteur de bateau honda

Cette alliance entre Marketing et Produit ne s’arrête pas à l’acquisition. Avec l'explosion du Product Management en France, un autre métier se trouve en pleine carence dans le B2B (et B2B2C) : le Product Marketing Manager.

Aussi appelé Product Marketer ou PMM, son rôle est de communiquer la valeur du produit au marché. Le PMM est par conséquent responsable :

  • du Go-to-market : stratégie et opérations de déploiement de nouveaux produits, de nouvelles fonctionnalités majeures (Minimum Marketable Features, ou MMF), ou de changements majeurs au sein d’un produit existant. Il peut s’agir de déterminer les cibles marchés ou clients (programmes bêta-testing, stratégie de roll-out), les canaux et contenus (mailings, webinars, release notes), ou de former le support client.
  • du Marketing de l’offre : Bien packager et marketer l’offre est essentiel. Le PMM va orienter les offres pour répondre aux problèmes de l’acheteur, proposer des plans adaptés aux différents segments (taille de l’entreprise, rôles…), ajouter ou non du service en sus du produit...
  • du Sales enablement : créer tout le matériel nécessaire pour que les équipes commerciales sachent et puissent vendre. On y trouve des fiches produit, des argumentaires, des formations, ou même des interventions en salons et des conférences (roadshows).
  • de la Communication Produit, sur le site corporate (bénéfices), mais aussi auprès des partenaires, intégrateurs comme distributeurs (roadmap externe).

PMM et PM B2B marchent donc main dans la main, pour transformer une douleur en demande :

  • le Product Marketing Manager s’occupe des buyers personas, de l’expérience consommateur et accroît la sensibilisation (awareness) du marché et l’attractivité de l’offre Produit ;
  • le Product Manager s’occupe des users personas et de leur expérience, tout au long de leur parcours.

Aux Marketeurs qui voudraient devenir Product Marketing Managers, un seul mot d’ordre : abandonnez les mauvais réflexes marketing et inspirez-vous du Produit. Voici quelques règles à suivre pour être un bon PMM :

  • Customer research : Tout comme un Product Manager n’est pas l’utilisateur, vous n’êtes pas votre consommateur ! Vous devez comprendre le comportement de l'acheteur, tout au long du parcours et à tous les points de contact (ce que certains appellent son “body language digital”).
  • Proposition de valeur : Aidez d’abord vos prospects à comprendre ce qu’ils ont à gagner (“What’s in it for me ?). Car la part d’émotionnel dans la décision est bien plus importante que ce qu’ils seraient prêts à avouer ! Puis donnez-leur les moyens justifier leur décision d’achat (rationalisation), afin qu’ils ne regrettent pas d’avoir poussé la porte du Produit.
  • Métriques : devenez “data-informed”. Soyez l’expert des usages de chacun de vos buyer personas !
  • Messages : Les utilisateurs se rendront rapidement compte si vous leur mentez, car le produit n’est qu’à un click. Seuls des messages honnêtes permettront une croissance durable. Pour être sûrs qu’ils résonnent chez votre cible, utilisez le langage du consommateur (facile, si vous faites de la customer research efficace)... et testez systématiquement ces messages !

Le Marketing, l’oxygène du Product Strategist

plongeur

Mais limiter le marketing à l’opérationnel et aux “4Ps” serait une preuve de myopie sévère. Le nouveau rôle que le marketing peut jouer dans le Produit ne s’arrête pas au PMM. Il est bien plus large : il doit permettre de faire émerger de vrais Product Strategists full-stack.

En effet, la stratégie produit ne peut se contenter de recherche utilisateur transverse. Le rôle même de Product Strategist devrait être d’épauler les Product Managers dans leurs décisions, par leur capacité :

  • À comprendre les dynamiques de marché et à les lier aux comportements individuels de l’acheteur et de l’utilisateur.
  • À définir le ciblage et le positionnement produit à adopter sur le marché, pour bâtir ou renforcer un avantage compétitif durable :
    • A qui pensent-ils que le produit s'adresse ?
    • Quelle douleur pensent-ils que nous résolvons ?
    • Qu'avons-nous d'unique à leurs yeux ?
    • Nous considèrent-ils légitimes et crédibles ?
  • À valider ou invalider ses hypothèses rapidement avec une équipe dédiée, en accord avec les Product Managers.

En somme, un Product Strategist Full-stack devra s’inspirer :

  • de la recherche utilisateur, issue du design,
  • des bases de la stratégie marketing : ciblage et positionnement,
  • de la capacité à tester du Product Growth.

Et si Product strategist et PMM sont main dans la main, alors le rôle du marketing pourra prendre toute son ampleur dans une organisation Produit.

Conclusion : si Produit et Marketing sont dans le même bateau, aucun ne tombera à l’eau.

bateau

Oui, sur les marchés technologiques, le Marketing “à l’ancienne” va mourir. Mais il peut se réinventer et offrir aux marketeurs de nouvelles opportunités.

Cependant, ces opportunités ne se révèleront qu’aux conditions suivantes :

  • De tuer l’idée que Marketing est un synonyme de Communication ou de Publicité ;
  • De changer drastiquement la manière dont le Marketing s'enseigne en école de commerce, lorsqu’il s’agit de marchés technologiques ;
  • D’abandonner le fantasme que c’est le Marketing qui décidera du produit, de la stratégie ou de la roadmap : il doit aider le Product Management à prendre les meilleures décisions ;
  • Que les Marketeurs s’intéressent réellement au Product Management, dont au Product Ownership, pour en comprendre la culture et les contraintes ;
  • De lier enfin les campagnes d’acquisition, SEO et ASO, aux personas produit, afin de ne pas se contenter de générer des leads non qualifiés et des utilisateurs inactifs ou déçus.

Alors, et seulement alors, le marketing et la technologie seront réconciliés.

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