Pourquoi une bonne équipe Produit n’a pas besoin de Product Manager ?

  • mise à jour : 10 février 2025
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Le Product Manager (PM) est souvent présenté comme le chef d’orchestre d’une équipe Produit, mais cette vision est-elle toujours pertinente ? Et si une équipe qui dépend trop d’un PM révélait une faiblesse structurelle ? Il est temps de repenser les rôles pour que le Produit devienne vraiment l’affaire de tous.

Dans un monde idéal, le Product Manager n’est pas nécessaire”. Cette affirmation de Benjamin Danel, consultant Thiga expert en organisation Produit, a de quoi faire grincer quelques dents au sein de l’écosystème Produit. Peut-être même les vôtres ! Pour autant, elle n’est pas sans fondements : “D’un côté il y a le Business, de l’autre la Tech. Et les deux ne savent pas se parler. La Tech pense en termes de contraintes, de planning, de ressources, tandis que le Business pense en termes de valeur. Et il en veut toujours plus et toujours plus vite. Un peu comme un enfant gâté, explique-t-il avant de préciser. Il faut donc un PM pour trouver l’équilibre entre valeur et contrainte en priorisant les initiatives et maximiser le ROI. Mais si chacun comprend le modèle de l’autre et fonctionne de manière collaborative, plus besoin d`arbitre !”

Utopie ou futur inévitable ?

Plus que jamais, le sujet est d’actualité. Le contexte économique tendu oblige tous les acteurs à prendre en compte les enjeux business. Y compris la Tech. Chloé Dumolard, Product Leader et consultante chez Thiga, est catégorique : “On ne construit pas un produit pour construire un produit. On le fait pour répondre aux objectifs de l’entreprise et aux besoins des utilisateurs. Un bonne équipe Produit n’a qu’une chose en tête : l’impact.”. 

Cela veut-il dire que la Tech doit aussi porter la responsabilité business ? En partie. “Les développeurs restent responsables des choix techniques. Mais ils doivent absolument penser ROI, alerte Benjamin Danel. On a trop souvent des développeurs qui veulent tester la dernière technologie ou qui livrent quelque chose de plus poussé que ce qui est attendu parce qu’ils apprécient cet aspect de leur travail. Il y a une réalité économique à prendre en compte qui doit aussi dicter les comportements des développeurs et architectes.” 

En continuant à s’investir dans des sujets de delivery pur et en oubliant le business, les Product Managers creusent leur propre tombe.

Loin d’être une utopie, ce fonctionnement existe déjà dans certaines organisations. Chloé Dumolard l’a déjà vu au cours de ses missions pour Thiga. “Par le passé, je suis intervenu auprès d’une petite équipe qui avait déjà une bonne culture Produit. On travaillait vraiment ensemble, y compris sur les sujets business, pour faire évoluer le produit.” raconte la co-autrice des Clés du Product Management, dont un des chapitres est consacré aux liens entre le PM et son équipe. “Actuellement PM volant, je n'ai pas d'équipe dédiée mais j'interviens sur les problématiques Trust & Safety. Une des équipes que j'aide n'a pas de PM, ce qui ne l’empêche pas de prendre certaines décisions business pour faire évoluer son périmètre. De fait, la présence d’un PM n’est pas une condition indispensable pour avoir de l’impact.” Autrement dit, autant un PM ne peut pas construire de produit sans équipe, autant une équipe peut construire un produit sans PM. 

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Product Manager : une fonction en voie d’extinction ?

Faut-il pour autant sonner le glas des Product Managers ? Pour Benjamin Danel, la balle est dans leur camp : “Les PMs passent généralement trop de temps avec leurs Développeurs. En continuant à trop s’investir dans des sujets de delivery pur et en oubliant la stratégie et le business, ils creusent leur propre tombe.” Si la fonction de Product Owner semble directement menacée, il s’agit là d’une opportunité pour les PMs de faire évoluer leur rôle au sein des organisations. Car si l’équipe parvient à avancer sans le Product Manager sur des sujets moins importants, d’un côté elle gagnerait en rapidité, et de l’autre le PM se dégagerait du temps pour se consacrer à dénicher de nouvelles opportunités en faisant de la discovery. “Chacun doit trouver sa place, celle où il apporte le plus de valeur et où il est le plus irremplaçable. Pour un PM, cette place est plus proche de la stratégie que du delivery”.

Une évolution qui devient d’autant plus nécessaire que l’intelligence artificielle s’apprête à rebattre les cartes du Produit tel que nous le connaissons. “L’IA va réduire le nombre de personnes dans l’organisation”, prédit Benjamin Danel “Or, le PM ne produit pas directement de valeur, contrairement à un Product Designer qui livre une maquette ou à un Développeur qui produit du code. Il aide à prendre des décisions. Et l’IA est faite pour ça. C’est logique de se sentir menacé.”. 

Se réinventer pour survivre

Pour lui, trois scénarios se profilent. Un premier, où le nombre de PMs dans les organisations diminue. Un autre où c’est le middle management qui fond comme neige au soleil. Et le troisième, sur lequel il mise plus volontiers : “Je pense que le PM va devenir un Product Builder. Cette notion est arrivée en même temps que le No-Code. Ce pouvoir est décuplé avec l’IA puisqu’on peut s’en servir pour produire du code. Alors certes, les résultats au début n’étaient pas terribles, concède l’expert, mais plus on entraîne les modèles, meilleurs ils sont. Dès lors, qui est vraiment menacé ? Pour moi, ce sont les développeurs, en tout cas les plus juniors, ceux qui s’occupent de développements basiques. Dans ce scénario, les PMs s’emparent d’une partie du développement, laissant à un petit nombre de développeurs seniors les aspects complexes et la supervision de l’ensemble. Il faut que l’IA continue à se développer, que les DSI/CTO expérimentent et se laissent convaincre mais je pense qu’on y sera d’ici trois ou quatre ans.” 

Chloé Dumolard, elle, est plus mesurée. La Product Leader considère que le sujet du Product Builder existe depuis quelque temps déjà : “Le No-Code n’est pas une nouveauté. Ça n'a jamais vraiment explosé. Un PM qui fait tout, je n’y crois pas trop. Pour moi, les technologies comme le No-Code ou l’IA peuvent surtout servir à faire de petites expérimentations en amont, pour démontrer une proposition de valeur par exemple. Ce que le PM pourrait faire dans un rôle un peu plus stratégique.” Selon elle, quand chacun se concentre sur son rôle, l’ensemble gagne en efficacité. “Même si je pense qu’une équipe peut avancer sans Product Manager,  je pense aussi que le plus efficace est que chacun reste concentré sur son expertise. Et c’est tout l’intérêt d’une organisation en triforce, où le Design, la Tech et le PM sont chacun responsables de leur expertise et travaillent ensemble pour prioriser et prendre les décisions dans un but commun.” 

La co-autrice des Clés du Product Management ne considère pas forcément la dépendance d’une équipe à son PM comme forcément problématique. “Ça dépend du contexte, du nombre de parties prenantes à aligner, de décisions à prendre, de l’importance des enjeux techniques… Auquel cas, un PM est important pour les prendre en compte lors des choix business. Alors oui, dans une entreprise avec une grosse culture Produit, le PM ne semble pas indispensable. Dans la réalité, la plupart des entreprises n’ont pas la maturité ou le contexte nécessaire pour s’en passer. Et dans des grosses boîtes ou dans des contextes de transformation, le PM est aussi là pour faire évoluer la culture des équipes et partager les bonnes pratiques. Ici, sa présence prend tout son sens.” Le PM ne semble donc pas condamné à l’extinction, mais plutôt à se diriger peu à peu vers une évolution de son rôle avec un scope fonctionnel plus large. “A condition de trouver sa nouvelle place dans l’organisation et de prouver sa valeur”, conclut Benjamin Danel.Banniere LCDPM

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