"Mes 5 défis pour les organisations digitales en 2025."

  • mise à jour : 15 janvier 2025
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Les organisations digitales changent continuellement pour s’adapter aux contraintes et au contexte auxquels elles font face. 2025 ne fera pas exception à la règle. Benjamin Danel, expert Produit chez Thiga, nous livre sa vision des défis à venir pour cette nouvelle année.

Bienvenue en 2025. Alors que l’année s’ouvre sur des perspectives économiques peu réjouissantes, les organisations digitales font face à des enjeux forts d’efficacité et d’innovation afin de rester compétitives et durables dans un monde numérique en perpétuelle évolution. Quels seront leurs grands enjeux ? Et surtout, comment y faire face ? Voici un tour d’horizon des 5 défis stratégiques qui façonneront l’année 2025 des organisations.

#1 Éviter la tentation du “Command and Control”

Le contexte économique de 2025 s’annonce tendu. Ce qui semblait être une crise réservée aux pure players en 2024 frappe désormais les mastodontes du CAC 40 : un fait rare et significatif. Les budgets abondants et les investissements massifs dans la tech appartiennent au passé. Nous entrons dans une ère d’austérité, où chaque euro investi doit justifier sa valeur.

Certes, le contexte économique mondial joue un rôle. Mais il y a aussi une prise de recul salutaire : les résultats du digital n’ont pas été à la hauteur des promesses, surtout au regard des investissements et efforts consentis.

L’inefficience organisationnelle, les organigrammes à rallonge, la surqualité, les processus lourds et contraignants n’ont plus lieu d’être en 2025. Désormais, il s’agit de livrer avec frugalité, pragmatisme et surtout impact.

Le besoin est là, mais une menace se fait de plus en plus pesante. La confiance accordée aux organisations digitales pour s’auto-organiser s’étant effritée, le spectre du retour d’une culture “Command & Control” refait surface. Plus de gouvernance, plus de processus, plus d’ingérence pour moins d’autonomie, moins d’agilité et moins de rapidité d’exécution.

Alors comment s’en prémunir ? Les équipes doivent faire leur introspection. Ont-elles un réel impact, à la hauteur des efforts consentis ? Se sentent-elles vraiment responsables de l’impact qu’elles génèrent ? L’enjeu n’est pas de produire pour produire, mais de challenger chacune de leur décision et action pour prouver leur valeur. Au niveau du management, c’est au cœur de la tempête qu’on va voir qui sont les bons, ceux à même d’aider leurs équipes et de leur offrir le bon niveau d’autonomie.

C’est seulement avec cette dynamique de responsabilité et d’impact, aux antipodes du “founder mode” et de la culture projet, que la confiance peut être regagnée. Les équipes qui s’engagent dans cette voie pérenniseront leur autonomie et leur impact, même dans ce climat austère et montreront leur résilience. Les autres risquent bien de régresser vers une relation dépassée de "client-fournisseur" entre Tech/Produit et Business, beaucoup plus proche de l’ancien monde.

#2 Devenir de vrais business Partners 

Historiquement, les transformations Produit ont souvent été impulsées par l’IT – un paradoxe majeur quand on considère comme moi que le Product Management est intrinsèquement une fonction Business. Si l’IT pousse ces transformations c’est pour sortir de son image de “centre de coût” de l’organisation et être invité à la table des grands. Bien que les transformations Agile véhiculent les mêmes valeurs orientées valeur, elles se sont heurtées la plupart du temps à une vision très delivery qui en a été faite (notamment soutenue par une simple application de Scrum).

Alors comment faire pour que le Product Management ne soit pas vu comme l’Agilité 2.0 avec le même plafond de verre ?

Si l’IT veut être vue comme un véritable partenaire, elle doit sortir de sa zone de confort et adopter une posture radicalement ROIste, tout rôle confondu. Ne plus penser à la priorisation de fonctionnalités mais à celle des investissements.  Ne pas avoir peur de proposer de réduire la taille d’une équipe ou de développer moins de fonctionnalités tout simplement parce que le cycle de vie du produit l’impose, voilà un vrai signe de changement ! C’est ainsi que l’IT montrera sa capacité à se saisir des enjeux stratégiques dépassant le cadre du simple delivery.

Mais pour vraiment agir en tant que vrai business partners, il faut s'intéresser encore plus au métier et au business model lié au produit. Quelle est sa valeur pour l’entreprise ? Que peut-on aller chercher ensemble pour qu’il en ait davantage? Quelle est la dynamique de marché (pour les produits B2B et B2C) ? A-t-on la même vision de la performance actuelle du produit et de son potentiel d’amélioration ? Ces questions élèveront le débat et permettront d’avoir des discussions intéressantes avec le métier, apportant plus de crédit à une vraie collaboration.

Sans cette évolution, l’IT restera cantonné à son rôle d’exécutant et les Product Managers risquent de se retrouver plus proches du “bullshit job” que du maillon essentiel de l’organisation. 

L’ultimatum est lancé : se transformer en véritables Business Partners ou être amenés un jour plus ou moins lointain à disparaître, remplacés par de l’outsourcing. La balle est dans leur camp.

#3 Expérimenter un monde sans Développeurs 

En 2025, l’IA n’est plus un choix, mais une obligation. Savoir “prompter” est aussi basique que savoir écrire une user story (US) pour un PM ou utiliser Figma pour un Product Designer. En ajoutant à cela une IA intégrée dans tous les outils et workflows, le gain de temps généré est spectaculaire pour les équipes digitales. Fantastique, non ? Pas vraiment. Enfin, pas pour tous. Car ce temps gagné ne sera pas offert aux salariés sous forme de semaines de 4 jours. La quête de rentabilité ne s’arrête jamais et redessine inévitablement les organisations.

Trois scénarios se profilent pour survivre dans ce nouvel écosystème :

- Une réduction des effectifs et un élargissement des périmètres. Fini les équipes foisonnantes de Product Managers et Product Designers. On augmente le nombre d’équipes par PM ou Product Designer.

- La fin du middle-management. Moins de strates, plus d’agilité. Les échelons intermédiaires, souvent synonymes de lourdeur bureaucratique, disparaissent.

- L’avènement des Product Builders, cette nouvelle espèce hybride née du low-code/no-code et boostée par l’IA. Un rôle fusionnant Product Manager, Product Designer et Développeur, capable de passer directement de l’idée à la production.

Je mets volontiers une petite pièce sur le dernier scénario, qui est plus qu’une simple hypothèse farfelue. C’est selon moi une révolution qui n’en est qu’à son commencement et 2025 verra émerger les premières expérimentations. L’IA simplifie le développement à un tel point que créer un produit devient accessible à tous, et donc aux Product Managers et Product Designers. Résultat ? Une potentielle solution pour réduire drastiquement les coûts de développement, améliorer le Time-To-Market, avec une disparition progressive des armées de développeurs. Oui, une organisation sans développeurs devient plausible.

Bien sûr, on ne se passera pas de tous les Développeurs. Les meilleurs, ceux capables de résoudre des problèmes technologiques complexes ou d’innover, resteront cruciaux, avec des rôles plus stratégiques. Ceux-là pourront être regroupés en “studio”, à la disposition des autres, comme les Product Designers ou la Data dans certaines organisations. Mais pour les autres, le vent tourne. Même chose pour les Product Owners : ce rôle, déjà tant décrié, semble condamné à s’éteindre.

Une question fondamentale reste en suspens : que faire de tous ces talents rendus "inutiles" ? 2025 nous donnera des premiers éléments de réponse.

#4 Remettre de l’ordre dans le chaos

Dans les grandes organisations, les systèmes d’information et les applications se sont souvent développés de manière opportuniste, répondant à des besoins immédiats mais sans vision et cohérence globale. Résultat : un paysage digital fragmenté, où les silos techniques et les expériences incohérentes règnent en maîtres. La fameuse loi de Conway, où l’organisation d’une entreprise influence directement la structure de ses systèmes, s’y applique pleinement.

Mais ce laisser-faire a un coût, sans cesse amplifié par l’urgence du quotidien : une inefficacité chronique, des intégrations laborieuses, et une expérience utilisateur (client comme collaborateur) souvent médiocre. En 2025, il est temps de remettre de l’ordre, avec deux objectifs bien identifiés :

- Unifier et rationaliser pour réduire la complexité et les coûts, simplifier le paysage technologique, accélérer le time-to-market, et mutualiser les ressources.

- Harmoniser l’expérience utilisateur. Les parcours éclatés ne sont plus acceptables dans un monde où la fluidité et la cohérence sont des standards.

Pour y parvenir, les organisations doivent miser sur deux leviers complémentaires. Côté Tech, la plateformisation s’impose comme une réponse incontournable. Elle permet de construire des fondations modulaires, scalables et mutualisées, capables de soutenir une diversité de produits tout en éliminant les redondances. Côté Produit et Design, l’approche centrée sur l’expérience client (CX) prend de l’ampleur, en uniformisant les parcours pour garantir des interactions fluides et cohérentes à tous les niveaux.

Des premières initiatives existent déjà, avec en tête de proue un engouement pour les Design Systems, qui permettent d’unifier les interfaces et rationaliser les coûts de développement. Mais ces efforts ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La transformation doit aller bien plus loin.

Attention : ces efforts, aussi spectaculaires soient-ils, ne suffiront pas. Les actions “coups de poing” ne règleront pas le fond du problème. Sans une refonte en profondeur des organisations et de la gouvernance, cette quête de cohérence ne sera pas plus qu’un pansement sur une jambe de bois. La rigueur doit devenir systémique, ancrée dans l’ADN de l’entreprise.

La vraie révolution n’est pas uniquement technologique, mais culturelle. Car remettre de l’ordre dans le chaos, c’est avant tout avoir le courage de questionner le fonctionnement, remettre en question des décisions passées et installer de nouvelles manières de collaborer.

#5 Devenir (enfin) Responsable 

La responsabilité, c’est un peu la bonne résolution du 1er janvier pour les organisations : chaque année, elles ambitionnent de s’emparer sérieusement du sujet de la responsabilité, tant éthique et social qu’environnementale. Et chaque année, c’est la désillusion : à part les avancées poussées par le cadre législatif (comme l’accessibilité et la RGPD notamment) ou les mini-efforts en Green IT, mis à mal par l’arrivée de l’IA, rien de fondamental ne change dans la manière d’ancrer ses valeurs dans les choix digitaux. 

Mais cette fois, il y a une différence : le cadre réglementaire entre une nouvelle fois dans la danse, mais de manière plus globale. La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) pourrait bien être le “game changer” tant attendu. Avec ses exigences renforcées en matière de RSE, d’accessibilité et d’éthique, cette directive impose un virage pour les grandes entreprises et leurs écosystèmes de fournisseurs. Bien que prévue depuis des années, c’est l’entrée en vigueur de cette loi qui va tout chambouler. Comme un air de 2018, quand la RGPD prenait vraiment vie. Tic tac, tic tac… Finie la procrastination, l’heure est à l’action.

Outre les contraintes réglementaires concernant l’accessibilité qui vont encore plus se durcir pour faire avancer ce sujet ô combien important, Le sous-chantier le plus important en 2025 concernera la responsabilité éthique dans l’IA : les entreprises devront mieux contrôler, modérer et auditer les données produites par ces technologies.

Ne soyons pas dupes : si cette prise de conscience se dessine, c’est moins par élan vertueux que sous la contrainte. Il est regrettable qu’il faille des directives pour que les entreprises se mettent en mouvement, car cette fois, elles n’auront pas le choix. Avec un peu de chance, elles comprendront que ces contraintes sont aussi des opportunités : identifier de nouveaux périmètres d’innovation, faire évoluer nos produits pour qu’ils respectent à la fois les besoins des utilisateurs et les attentes sociétales, tout en intégrant la durabilité comme un levier de performance, en voilà des formidables challenges.

Le défi est immense, mais la promesse est claire : 2025 pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère, où le digital cesse de se cacher derrière l’excuse de l’innovation à tout prix pour enfin s’aligner avec des valeurs responsables. De plus, quand on voit aussi l’engouement pour le label B-Corp et le nombre de personnes cherchant à travailler dans des entreprises ou sur des produits à impact, j’imagine bien ce sujet devenir un élément fort de marque employeur.

Le tournant de 2025 ne laisse donc aucune place à l’inaction ou à l’approximation. Entre pressions économiques, avancées technologiques disruptives et attentes sociétales croissantes, les organisations digitales devront démontrer leur capacité à évoluer sans céder à la facilité ou au retour à des modèles dépassés.

Chaque défi évoqué pointe vers une même exigence : repenser nos pratiques avec courage, audace, responsabilité et pragmatisme. Les entreprises qui choisiront de se remettre en question et de miser sur l’impact durable écriront les règles du jeu de demain. Pour les autres, le risque est clair : rester figées dans le passé, condamnées à subir les évolutions plutôt qu’à les anticiper. Le futur, plus que jamais, appartient aux audacieux.Bannière Organisation Produit

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