La deuxième édition de la La Product Conférence, la conférence parisienne dédiée au Product Management, a eu lieu le 1er juin dernier. Chez Thiga, nous avons choisi de vous faire un débrief de nos talks préférés. Revis avec nous #LPC2017
Parmi la dizaine de conférences de LPC, j’ai choisi de vous parler des aventures et mésaventures de Heetch. La présentation de Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, tous deux anciens de Supelec, m’a autant plu dans le ton employé que dans leur implication entrepreneuriale à travers un chemin semé d'embûches.
Tout commence en 2013, où ils surfent sur la vague de l'économie de partage. L'idée de départ est simple : pouvoir aller en soirée en banlieue à moindre coût et de manière conviviale lorsque l'on est Parisien.
Un lancement mené grâce à un vieil ordinateur, leur force de conviction et la liste des dancefloors parisiens !
Afin de trouver leur marché, Teddy & Mathieu passent les vendredis et samedis soirs à distribuer des flyers à la sortie de deux boîtes de nuit dans Paris. Ils débutent avec trois étudiants qui assurent les trajets. À l’inverse d’un Uber qui payait ses conducteurs à l’heure à leur début, Heetch ne les rémunère qu’à la course mais leur assure de trouver suffisamment de passagers pour rentabiliser leur soirée et leur donner envie de revenir le week-end suivant.
Lors de tests, les commandes étaient lancées depuis un petit PC que les fondateurs transportaient avec eux de soirée en soirée. En septembre 2013, les deux fondateurs prennent conscience de l'intérêt grandissant de leur service. Une première application sort sur iOS, l’équipe n’ayant pas assez de moyens pour la concevoir sous Android. A ce moment là, de nombreux utilisateurs appellent avant le début du service pour être certains de pouvoir rentrer avec Heetch alors que d’autres racontent que le meilleur moment de leur soirée était leur trajet retour.
Pour débuter, le service proposé permettait de rentrer le vendredi ou le samedi entre 2h et 6h. Les horaires se sont progressivement étendus de 0h à 6h, puis de 20h à 6h, et, rapidement, le service ouvre le jeudi soir. C'est lors de la coupe de monde 2014 que le service Heetch se voit étendu à l’ensemble de la semaine.
Une explosion du nombre d’utilisateurs de l’application !
Entre 2014 et 2015, Heetch passe d’environ 500 trajets par semaine à près de 10 000 trajets par semaine.
Le MVP développé avec des amis de Supelec ne permettait pas d’absorber la charge grandissante de trafic causée par l’explosion de la demande. Comme le précise Mathieu lors du talk, initialement l’application était assez buggée et peu scalable, leur développeur du serveur n’était pas certain du résultat si deux commandes étaient passées à la même seconde. Une seconde version plus robuste sort assez rapidement. Malgré ces défauts applicatifs et un parcours utilisateur moins sexy, Heetch avait un taux de conversion bien meilleur que celui de ses concurrents : Jump et UberPop.
Comment ces deux jeunes français sont-ils arrivés à battre l’américain tout puissant sur ce marché ?
Tout d’abord, leur service client. À l’inverse de leurs concurrents, les fondateurs allaient jusqu'à faire entrer les utilisateurs dans les voitures. Le numéro de téléphone de Teddy, cofondateur de la société, était visible de tous, les utilisateurs pouvaient les joindre à tout moment.
Second élément fort qui a permis à l'application de faire la différence : la suggestion du prix du trajet. Le service Heetch, offrait un service sans tarif fixe ainsi c’est l’utilisateur qui ajustait lui-même le niveau de prix de son trajet. Cette option permettait à Heetch d’être proche de la rentabilité.
Enfin, une communication et une acquisition à faible coût, 90 % des nouveaux utilisateurs proviennent du bouche à oreille, de la promotion des BDE des écoles ou du parrainage entre les conducteurs.
Et le vent tourne …
Avant l’arrivé d’UberPop en février 2014, aucune loi ne régule le covoiturage ou la rémunération des conducteurs non professionnels. L’activité, dans le secteur de l’économie du partage, contournait les problèmes en se reposant sur une notion de partage de frais. A l'arrivé d'UberPop sur le marché, les problèmes réglementaires apparaissent rapidement.
Le 1er octobre 2014, la loi Thévenoud vient encadrer l’activité des taxis et VTC en France. Pendant le mois juin 2015, on assiste à une véritable crise des taxis en France. Après une semaine de manifestations, UberPop ferme, Jump également.
Alors que les 2 fondateurs de Heetch n’ont pas d’avocats pour se défendre, la situation prend de l'ampleur... Leur activité est alors considérée comme un trouble à l’ordre public. Le gouvernement publie un arrêté d'interdictions pour les applications de type UberPop. Elles sont interdites pour 6 mois, mais ne sont pas considérées comme illégales.
C'est alors que de nouvelles dispositions viennent encadrer le marché. Le covoiturage est alors défini par deux notions : le partage de frais et le fait de faire le trajet pour son compte.
Le 19 janvier 2016, Teddy et Mathieu sont mis en garde à vue avec 220 de leurs conducteurs qui utilisent la plateforme. Le verdict du procès tombe le 2 mars 2017 : une condamnation et une amende pour Heetch. L’activité cesse le jour même alors qu’elle représentait près de 500 000 trajets par mois, soit environ 600 000 € de revenus qui permettaient de faire vivre la société et ses 60 employés.
En interne ? Un esprit de guerrier !
L’équipe est restée forte, Teddy et Mathieu soulignent l'importance de communiquer auprès de leurs équipes.
Après le procès, une nouvelle réflexion est menée en interne afin de pivoter vers un nouveau produit. Beaucoup d’idées sont échangées, dont celle de lancer une offre avec des chauffeurs de VTC (donc des professionnels) et non des particuliers. De plus, en mai dernier, Heetch lance une nouvelle offre de covoiturage nocturne, baptisée “La Base”. Cette dernière limite les trajets à un aller-retour par conducteur chaque soir, sur un itinéraire défini à l’avance et pouvant être rallongé par un tiers pour un éventuel détour.
Le futur de Heetch ?
Les deux cofondateurs décrivent leur futur en 3 grandes étapes. Premièrement, celle de sauver financièrement la société. Dans un second temps, celle de s’étendre à travers l’Europe. A cela s’ajoute le souhait de faire évoluer le cadre réglementaire en France et en Europe.
Bonne nouvelle, la commission européenne avance sur le sujet de l’économie du partage, la France également. En mars dernier, un groupe de travail du Sénat mène une réflexion sur comment adapter la fiscalité à l'économie collaborative en France. Ils proposent un nouveau régime fiscal et d’instaurer un seuil de 3000 €.
Merci à Teddy et Mathieu d’être venus nous raconter leur histoire ! Nous vous souhaitons une excellente continuation dans le développement de Heetch.
Retrouvez la vidéo de la conférence :
À demain, pour un nouvel article sur notre blog !