Les communautés de pratique au service de la transformation Produit

  • mise à jour : 23 septembre 2024
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Les organisations Produit en pleine transformation doivent répondre aux attentes d’employés désireux d’apprendre et de progresser. Les communautés de pratique sont un excellent levier pour s’assurer de cette montée en compétences. Comment créer et pérenniser une communauté de pratique ? Quelles sont les erreurs à ne pas commettre ? Tous les éléments de réponse avec des retours d’expérience de chez TF1 et L’Oréal.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, un point essentiel s’impose : une transformation réussie ne peut résulter d’une décision imposée de manière top-down, sans considération pour les dimensions humaines et culturelles de l’entreprise. Dans des organisations où les Product Managers se comptent par centaines, un accompagnement individuel peut vite se révéler fastidieux. Comment alors créer une culture de partage des savoirs et s’en servir comme levier de transformation ? 

La croissance de ces communautés dans le Product Management est importante et on comprend pourquoi :  nous sommes tous en quête de savoirs. Nous avons en permanence accès à beaucoup d’informations, à de nouvelles technologies et pratiques… Ce qui peut donner l’impression d’être dépassé. Les communautés de pratique sont un excellent moyen de se mettre à jour rapidement dans un environnement qui évolue constamment. 

🤔 Pourquoi créer une communauté de pratique ? 

Créer du lien entre pairs

Le premier objectif est de pouvoir connaître ses pairs. Au sein d’une petite structure cela est assez simple. Dans un grand groupe, avoir une vision globale est plus difficile. Deux raisons peuvent l’expliquer : des équipes souvent silotées et des intitulés de poste différents entre entités d’une même entreprise. Il est alors complexe d'identifier son homologue, de profiter de son savoir et de capitaliser sur son expérience. On voit aussi que dans certaines organisations les contextes des PO/PM peuvent varier d’un produit ou d’une entité à l'autre. À première vue, la projection des expériences peut sembler difficilement transposable.

Répondre à un besoin de montée en compétences

Le deuxième objectif est la montée en compétences des individus. La communauté de pratique à l’avantage de pouvoir fédérer autour d’un intérêt commun et peut toucher un plus large public. Une communauté efficace implique une participation active de ses membres, ce qui permet une montée en compétences globale grâce à une vraie dynamique collective.

Harmoniser et itérer sur les pratiques Produit

Certaines communautés, souvent plus petites, ont un autre but : elles servent à s’aligner ou à produire des assets. Le nombre plus restreint de participants permet de travailler de manière collective à l’amélioration des processus et des pratiques. On remarque que les communautés de Développeurs et de Designers utilisent souvent ces moments pour se réunir et partager le travail réalisé. Côté Produit, ce type de réflexion collective est beaucoup moins fréquent et gagnerait à prendre plus d’importance.

🚀 5 conseils pour bien lancer sa communauté de pratique

Que vous en ayez déjà une en place ou qu’elle soit qu’au stade de projet, voici nos 5 conseils pour avoir une communauté de pratique forte.

#1 Connaître et explorer son organisation

Comment aider une communauté à grandir ? Dans un groupe où tout le monde n’a pas le même niveau de maturité, il faut réussir à rassembler les personnes ayant envie d’apprendre avec les plus motrices. L’idée étant que les meilleurs aident les novices, qui réciproquement leur permettent de prendre du recul sur leurs pratiques.

Dans une communauté, on distingue trois catégories de personnes :

  • Les détenteurs de savoir qui ont envie de prendre la parole et d’échanger sur leurs pratiques.

  • Les receveurs de savoir qui viennent apprendre mais n’osent (ou ne veulent) pas prendre la parole.

  • Les détenteurs/receveurs de savoir qui alternent entre les deux rôles selon les sujets

Avant de se lancer, il est important d’identifier ces détenteurs de savoir et de créer chez eux l’envie de partager. Il faut savoir aussi les modérer pour ne pas uniquement traiter des sujets experts, en gardant un mélange entre thèmes inspirationnels et opérationnels. Attention à ne pas trop les brider : sans détenteurs de savoir, la communauté risque de s'essouffler. 

#2 Définir le cadre et la vision de sa communauté

Comme pour un produit, commencez par clarifier la raison d’être de la communauté car elle influe sur son organisation. Répond-elle a un besoin de montée en compétence, d’alignement des méthodes de travail, d’expérimentation de nouvelles pratiques ou de création d’une culture du partage ? 

Pour le savoir, il faut se demander qui on veut voir l’intégrer. En trouvant les points de douleur actuels de ces personnes, on peut en déduire les leviers de motivation qui les feront participer activement.

Pour des entreprises comme TF1 ou L’Oréal par exemple, les principaux objectifs étaient de connecter les gens et les faire monter en compétences. Pour y parvenir, il a fallu créer davantage de moments d’échanges tout en continuant à inspirer : retours d’expérience, problématiques de priorisation, de discovery, d’outils internes ou encore d’IA générative. 

Définir le format

Le format le plus commun est un rendez-vous mensuel, qui peut être complété par des rendez-vous trimestriels ou annuels donnant un élan pour le reste de l’année, comme c’est le cas chez L’Oréal.

Chez TF1, la création d’une communauté de pratique est venue d’un constat : les équipes se parlaient peu. Ce silotage était dû au nombre d’équipes et de produits gérés au sein de la Direction des Technologies, ainsi qu’à son organisation historique. La volonté première était donc d’améliorer la communication inter-équipe grâce à un format basé sur un partage entre PM et Lead PM uniquement. Nous étions convaincus qu’un format semi-dirigé était la bonne manière de créer un engagement pérenne dans un contexte au nombre de réunions très élevé. Il fallait dédiaboliser l’aspect réunion pour en faire un réel moment d’échange où tous les profils pouvaient partager conseils et bonnes pratiques.

Bien s’entourer

Pour éviter que la communauté ne soit dépendante que d’un seul individu, il est primordial de créer un premier cercle de leaders à même de lui donner une dynamique durable. S’il manque un ownership fort, ça ne sera finalement l'affaire de personne ! 

La motivation est le critère premier, bien plus que le niveau d’expertise : il s’agit très souvent d’une charge de travail supplémentaire, qui ne répond à aucun objectif exigé. ll faut donc rendre les tâches le moins chronophage possible. Néanmoins, la très grande majorité des Product Managers que nous avons rencontrés ont une envie inlassable d’apprendre et de partager. Ils perçoivent très naturellement le bénéfice de ces communautés de pratique et leur demander d’investir du temps, de manière raisonnable, se fait naturellement.

Chez L’Oréal, qui opère sa transformation Produit depuis 2022, le panorama de produits est vaste (B2C, B2B et B2E). Certaines entités sont très matures, quand d’autres sortent à peine d’une transformation Agile. Une communauté Produit, regroupant une centaine de profils très hétérogènes, avait été créée et tenue à bout de bras par l’un des Product Managers les plus matures de l’organisation. Suite à son départ, la dynamique s’était essoufflée. Finalement, les responsables de la transformation Produit se sont emparés du sujet afin de relancer la communauté. Pour ce faire, il se sont entourés de “champions”. Ces derniers représentent aujourd'hui différentes entités et constituent une sorte de “board”. Grâce à leur réseau, ils identifient des personnes disposées à partager leurs expériences, des idées de formats, s'accorder sur les sujets à aborder, et animer les canaux de discussion. En plus de limiter l’effet de dépendance, ces personnes incarnent les enjeux que vivent leurs pairs et servent plus facilement de relais auprès d’eux. 

#3 Lancer la communauté

Une fois le cadre et la vision de la communauté fixés, vient le moment de se mettre en action et de lancer l’invitation ! Alors, qui doit-on convier ? Comment déterminer les premiers sujets ?

La première étape est de commencer petit pour finir par élargir l'audience. Commencez par une entité avant d’ouvrir à d’autres. Libre à vous d’ouvrir la communauté aux autres rôles Produit (PrD, Tech Lead, QA..) ou toutes autres personnes qui participent activement à la mise en place du Product Management : cela permet de créer une dynamique d’acculturation commune. 

Dans un contexte de transformation, il faut que chaque entité se sente représentée et puisse s’exprimer. 

Au fond, il n'y a pas de règles concernant qui doit être convié à ces réunions, cela dépend des enjeux et du contexte. On adapte aussi les rituels à la taille et au type d’audience.

#4 : Traiter sa communauté comme un produit 

Maintenir l’engagement

Dans le Produit, on adore parler de Product Market Fit (PMF), ce moment où on considère que le Produit a trouvé son marché et que c’est le moment de passer à l’échelle. Pour une communauté, le PMF c’est ce moment où les gens comprennent sa valeur. 

Comment le mesurer ? Que ce soit chez L’Oréal ou TF1, nous calculons la rétention par cohorte, ce qui est un bon indicateur du nombre de personnes qui reviennent de sessions en sessions. Un minimum de 80% semble être un objectif réaliste. A noter qu’un taux de participation élevé ne veut pas toujours dire que l’engagement est fort. La valeur réside surtout dans l'investissement des participants

Toujours chercher à s’améliorer

Clé du dynamisme, la nouveauté est importante. D’abord, en termes de formats : toujours utiliser les mêmes peut être source de lassitude ou exclure certains qui ne s’y retrouvent pas. Il est possible d’alterner entre des REX concrets, des partages de méthodologie, des tables rondes…  N’oubliez pas que pour un même format, il est possible d’organiser une session collaborative ou descendante, au choix. Varier les intervenants est tout aussi important ! Dans un contexte de transformation, il faut que chaque entité se sente représentée et puisse s’exprimer. C’est un vrai signe d’inclusion et du fait que la communauté appartient à tout le monde.

 Créer de vrais moments de rencontre

Tout comme une équipe en mode Produit, une communauté ne peut rester vivante sans épisodes plus informels où les équipes se rencontrent, se retrouvent et créent du lien. Par exemple, en organisant des moments de retrouvailles avant/après des rituels : petits-déjeuners, déjeuners, afterworks...

#5 : Pérenniser la communauté de pratiques

Ne jamais abandonner 

Simple sur le papier, bien animer une communauté de pratique se révèle plus complexe dans les faits. Avoir le sentiment que le stock de sujets est épuisé ou qu’il est de plus en plus difficile d’engager les parties prenantes sont des impressions fréquentes. Mais plutôt que  d’abandonner, c’est le moment de faire son introspection et de re-challenger le format, les sujets ou bien même la raison d’être de la communauté. La clé de la réussite est la capacité à se réinventer pour accompagner la montée en puissance des équipes et de l’organisation.

La faire voler de ses propres ailes

Rendre la communauté autonome, tel est le principal défi. Pour cela, il faut mettre en place des processus et un monitoring simples à suivre et à activer. 

Au sein de TF1 et L’Oréal, l’effort s’est porté sur un backlog qui permet de voter, sélectionner et planifier les prochains sujets, ainsi que sur une communication autour des points mensuels et un enregistrement de chaque session. L’idée est de se concentrer à 100% sur les contenus partagés plutôt que sur l’organisation.

Côté L’Oréal, le processus va encore plus loin avec la mise en place de templates de supports pour les sessions mensuelles et un monitoring du taux de participation via un sondage 1 à 2 fois par an pour collecter les besoins et attentes de la communauté. 

N’oubliez pas : pour que les communautés de pratiques soient efficaces, il est fondamental de bien définir leur raison d’être, de maintenir l’engagement, et de les traiter comme un produit en constante évolution. La clé du succès réside dans la capacité à les faire vivre en autonomie, en les adaptant continuellement aux besoins des participants et aux défis de l’organisation. Plus qu’un simple moyen de montée en compétences collective, les communautés de pratique constituent un des leviers pour une transformation Produit à l’échelle. Les deux typologies présentées dans cet article ont fait leur preuve, mais elles ne sont pas les seules ! Quelle que soit votre organisation et son niveau de maturité, une communauté de pratiques adaptée pourra toujours avoir un réel impact. Charge à vous de trouver le fonctionnement le plus adapté à vos enjeux. 

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