L’instinct inspire, la donnée éclaire : 6 clés pour un Design stratégique

  • mise à jour : 14 avril 2025
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L’intuition est précieuse. Mais aujourd’hui, elle ne suffit plus. Pour peser dans les décisions stratégiques, le Design doit faire de la donnée une alliée. Pas pour devenir froidement analytique, mais pour mieux comprendre, convaincre, et concevoir. Thomas Vidal, Partner Thiga et Head of Design chez Accor, donne dans cet article 6 leviers concrets pour faire de la data un véritable allié des Designers.

Un bon design repose sur la compréhension, pas seulement sur l’instinct”, a dit Don Norman. Et qui peut le contredire ? En tant que designers expérimentés, nous avons acquis une intuition fine des utilisateurs – mais dans le monde actuel, la donnée est un allié indispensable pour amplifier notre impact. Imaginez pouvoir appuyer nos choix créatifs sur des faits avérés, démontrer noir sur blanc la valeur de nos idées, et apprendre en continu de chaque interaction utilisateur. Enthousiasmant, non ? 

Je vous propose ici six recommandations actionnables (et éprouvées) pour intégrer la data à votre pratique du Design. Ces conseils stratégiques ont un objectif : vous aidez à mieux orienter vos décisions, à renforcer votre crédibilité business, et à concevoir des expériences à la fois intuitives et performantes. Suivez le guide !

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1. Définissez des indicateurs clairs alignés sur le business

Pour peser stratégiquement, le Design n’a pas le choix : il doit parler la langue du business. Dès qu’une opportunité est identifiée, en définissant des critères de succès clairs. Trop souvent, on se lance dans la conception avec de nobles intentions, comme « améliorer l’expérience utilisateur », sans critère mesurable. En fixant d’emblée un indicateur clé, vous liez votre travail et les objectifs de l’entreprise.

Il peut s’agir : 

  • d’une métrique produit (taux de conversion, taux de rétention, NPS…)

  • d’un objectif d’usage (fréquence d’utilisation, engagement)

  • d’un indicateur business (chiffre d’affaires, coûts réduits).

Discutez en amont avec les parties prenantes (Produit, Marketing, Data…) pour identifier LA métrique de succès sur laquelle tout le monde s’accorde. Assurez-vous qu’elle reflète aussi bien la valeur utilisateur (une meilleure expérience) que la valeur business (un impact tangible). Précisez le niveau actuel de cette métrique et le niveau cible à atteindre. Par exemple, l’équipe d’une app de fitness pourrait se fixer comme but d’augmenter l’engagement des utilisateurs de 20 % en trois mois, en améliorant le suivi des entraînements.

Une fois l’indicateur défini, intégrez-le à votre brief Design et utilisez-le comme boussole pour arbitrer vos choix. Si possible, cadrez le POC en mode expérimental, avec des check-points réguliers pour suivre l’évolution de la métrique sur vos prototypes : progresse-t-elle comme prévu ? Faut-il ajuster ?

Un design piloté par des indicateurs clairs vous permet de rester concentré sur l’essentiel. Et c’est aussi un puissant levier de dialogue avec les décideurs : en parlant concrètement de conversion ou de rétention, vous démontrez que le Design pèse dans la balance business. Cerise sur le gâteau : fini le piège du « joli mais inutile » ! Renforcez l’impact de votre travail sur l’expérience utilisateur !

2. Explorez les données existantes pour orienter le Design

Avant de repartir de zéro ou de bloquer des heures en brainstorming, commencez par explorer les données déjà disponibles. Vos produits en production sont une mine d’enseignements : analytics web ou mobile, retours support, résultats d’enquêtes, heatmaps… Ignorer ces ressources, c’est se priver d’un avantage décisif. Nous, Designers, pouvons gagner un temps précieux – et viser plus juste – en identifiant dès le départ les points de friction et les vraies opportunités révélées par la data.

Mais cette analyse ne doit pas se limiter à l’expérience utilisateur. Dès les phases de benchmark et de discovery, il est essentiel de croiser les données UX avec les enjeux business : taux de conversion, revenus générés par fonctionnalité, coût d’acquisition, NPS, churn… Le Design ne peut plus se penser isolément. Chaque point de friction identifié doit être mis en perspective : quel est son impact réel sur le business ? Et inversement, chaque opportunité détectée doit être mesurée à l’aune de son potentiel stratégique.

Ancrez la conception dans le réel. L’enjeu : concentrez vos efforts sur les problèmes les plus critiques pour les utilisateurs et pour l’entreprise. Où perdez-vous le plus de clients dans le tunnel d’achat ? Quelle fonctionnalité mise en avant reste ignorée ? Quelles plaintes reviennent systématiquement ? En répondant à ces questions avec des données tangibles, vous alignez le Design sur ce qui a vraiment de l’impact.

Croisez ensuite ces éléments pour faire émerger des constats clairs. Par exemple : “80 % des utilisateurs abandonnent à l’étape de création de compte – quelque chose bloque ici.” ou encore “Notre bouton ‘Essai gratuit’ attire très peu de clics – manque-t-il de visibilité ?” Ces observations issues de la data deviennent vos points de départ… ou de nouvelles pistes à explorer

Cette approche vous assure de cibler les vrais enjeux. Plutôt que de vous baser sur des intuitions, vous vous appuyez sur des comportements réels. De quoi révéler des angles morts, éviter les faux pas, et renforcer l’impact dès les phases de discovery et de benchmark.

3. Transformez vos idées en hypothèses testables

L’expérience nous a montré que l’intuition ne suffit pas toujours. Combien d’expériences brillantes sur le papier se sont révélées décevantes une fois en ligne ? Pour un designer aujourd’hui, adopter une approche expérimentale est essentiel : il s’agit de transformer nos idées en hypothèses testables, puis de laisser les données utilisateur parler.

L’A/B testing est l’un des outils clés du Design piloté par la data. Non pas pour déléguer nos choix à la statistique, mais pour apprendre vite et objectivement ce qui fonctionne. Chaque test permet de valider une intuition, lever un doute, et affiner la solution jusqu’à ce qu’elle ait un vrai impact.

Intégrez des expérimentations dans votre processus Design :

  1. Formulez une hypothèse précise : “Je pense que [changer X en Y] va [augmenter Z] car…”.

  2. Créez une variation de design et conservez une version témoin pour comparaison.

  3. Définissez la métrique de succès liée à votre hypothèse : taux d’inscription, clics, durée, etc.

  4. Lancez un test A/B (ou multivarié) sur un échantillon d’utilisateurs. Durée suffisamment longue  et échantillon représentatif sont essentiels.

  5. Analysez les résultats, avec un analyste si possible (significativité statistique, variations selon les segments).

  6. Tirez des conclusions : L’hypothèse est-elle validée ? Qu’apprend-on sur les comportements ? Documentez chaque apprentissage pour nourrir les futures itérations.

Prenons l’exemple d’un collègue CRO. Il a raccourci un formulaire pour le faire passer de 6 à 3 étapes, pensant améliorer le taux de conversion. Après tout, un parcours plus simple aurait pu être au goût des utilisateurs ! Résultat : chute brutale. En testant l’hypothèse inverse (ajouter une étape rassurante), le taux de conversion a finalement augmenté. Cet exemple montre qu’aucune règle n’est universelle. Seule l’expérimentation révèle ce qui fonctionnera vraiment pour votre produit.

Au-delà des résultats, cette culture du test renforce la maturité collective. Chaque membre de l’équipe comprend que le Design n’est pas basé sur des opinions, mais sur des apprentissages tangibles. Et oui, en tant que Designer, c’est aussi excitant de jouer les scientifiques !

4. Collaborez étroitement avec les experts data de l’équipe

Designer avec la data ne veut pas dire avancer seul — bien au contraire. Une des grandes forces d’un Designer, c’est justement sa capacité à collaborer étroitement avec les experts data : analystes BI, Data Scientists, UX Researchers quantitatifs…

Ces profils savent transformer des données brutes en signaux exploitables. En les embarquant tôt dans votre processus, vous créez une collaboration précieuse : ils éclairent le “quoi”, vous donnez le “pourquoi”. Ensemble, vous faites parler les chiffres… avec du sens.

Voici quelques leviers pour renforcer cette collaboration :

  • Incluez les Data Analysts dès le kickoff : Définissez ensemble les métriques de succès et les moyens de les mesurer.

  • Co-créez des rapports ou dashboards sur mesure pour suivre l’impact des changements (taux de complétion de profil, clics par page, etc.).

  • Partagez vos questions sous forme de problématiques data : “Combien de temps passe-t-on sur cette étape ?”, “Que font les utilisateurs après ce clic ?”.

  • Apprenez les uns des autres : Appropriez-vous les bases de la culture data, et en retour, partagez vos insights issus du terrain et de la recherche qualitative.

  • Créez des rituels communs : Mettez en place, par exemple, une revue mensuelle Design + Data pour passer en revue les tests, les comportements émergents et les pistes d’optimisation.

Ainsi, vous créez une culture commune orientée impact, où chacun raisonne en termes de comportements utilisateurs, de mesure et d’amélioration continue.
En tant que Designer, cette posture renforce votre rôle de leader transversal, capable de faire le lien entre vision, usage et données.

5. Croisez data quantitative et qualitative

Les chiffres disent ce qui se passe. Le terrain explique pourquoi. Ces deux sources sont complémentaires et doivent se nourrir mutuellement. Les analytics signalent les points de friction, mais pas toujours leur origine. Le qualitatif — entretiens, tests, verbatims — vient apporter du contexte, de la nuance, et permet d’agir avec plus de justesse.

En croisant les approches :

  • Vous évitez les raccourcis (surinterprétations, biais de confirmation…)

  • Vous nourrissez vos personas d’éléments réels et incarnés,

  • Vous stimulez votre créativité, en travaillant sur des bases plus concrètes.

Les meilleurs designs naissent souvent de cette tension fertile entre objectivité des chiffres et empathie du terrain.

6. Mesurer l’impact et partager les enseignements après chaque outcome

Une fois un design mis en ligne, il ne faut pas passer au projet suivant sans avoir fermé la boucle. La phase post-déploiement est cruciale : c’est là que vous découvrez le véritable impact de vos décisions.

Dès la conception, anticipez le plan de mesure post-livraison (KPIs à suivre, outils à activer, responsabilités à répartir) et laissez le temps aux données de s’accumuler pour obtenir une base suffisamment représentative.

Ensuite : 

  • Analysez vos KPIs : ont-ils évolué dans la direction attendue ? Dans quelle mesure ?
  • Comparez les résultats avec un groupe témoin, si vous en avez un.
  • Interprétez : que nous apprennent ces données sur nos utilisateurs ? Et sur la qualité de notre design ?
  • Croisez avec du qualitatif : retours spontanés, verbatims, feedbacks terrain.
    Formalisez les apprentissages : rédigez un court bilan, ajoutez quelques graphiques, et tirez des enseignements clairs.
  • Diffusez largement : en revue produit, newsletter interne, post Slack ou présentation partagée.

Ces enseignements profitent à toute l’équipe : ils renforcent la légitimité du design, donnent de la visibilité à vos choix, et nourrissent la culture produit avec des apprentissages concrets et activables.

En fin de compte, les données doivent nous éclairer, pas nous diriger. Elles valident nos intuitions, bousculent parfois nos certitudes, et nourrissent un apprentissage continu. Mais sans intuition, sans empathie et sans vision, il n’y a pas de design pertinent. Tout est question d’équilibre ! En tant que Designers passionnés, nous aspirons à faire du Design un véritable levier stratégique. La data nous en donne les moyens — mais elle ne doit jamais dicter nos décisions à elle seule.

Parfois, c’est une conviction forte — sur un besoin utilisateur encore invisible dans les chiffres — qui ouvre la voie à une vraie innovation. Et c’est ensuite la data qui vient en confirmer la valeur. Le bon Design vit dans cet aller-retour constant entre intuition et validation, entre vision et preuve, entre humain et mesure.

Souvenons-nous ! La finalité n’est pas la data, mais l’impact, à la fois pour les utilisateurs que l’on va aider, satisfaire et fidéliser, et pour l’entreprise, en créant durablement de la valeur. C’est ainsi que notre discipline gagnera en influence – un pixel et un datapoint à la fois !

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